A Moscou, ouverture d’une conférence sur le problème de la christianophobie et des persécutions contre les chrétiens dans différentes régions du monde
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Le 30 novembre 2011, à la salle de conférences de l’hôtel « Danilovskaïa » a débuté la conférence « Liberté de confession : le problème de la discrimination et des persécutions contre les chrétiens ». Participaient à l’ouverture du forum le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations extérieures du Patriarcat de Moscou, l’archevêque Erwin Joseph Ender, Massimo Introvigne, représentant de l’OSCE pour la lutte contre le racisme, la xénophobie et la discrimination.
Le forum est organisé à l’initiative de l’Église orthodoxe russe, avec le soutien du Comité interconfessionnel chrétien, de la Fondation Saint-Grégoire-le-Théologien et de l’Organisation caritative internationale « Aide à l’Église en détresse ».
Étaient également présents à l’ouverture les représentants des Patriarcats d’Alexandrie, d’Antioche, de Jérusalem et de Serbie, des Églises orthodoxes de Chypre et de Grèce, de l’Église catholique-romaine, de l’Église maronite, de l’Église apostolique arménienne, de l’Église assyrienne de l’Orient, des communautés musulmanes et juives, ainsi que d’organisations internationales, interchrétinnes, interreligieuses et publiques.
Ouvrant la conférence, le métropolite Hilarion de Volokolamsk s’est référé aux chiffres fournis par Massimo Introvigne, représentant de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, pour rappeler qu’un chrétien mourait toutes les cinq minutes dans le monde à cause de sa foi, tandis que 105 000 chrétiens mouraient de mort violente chaque année du fait des conflits religieux. Il a souligné la nécessité de se rendre à l’évidence : les chrétiens sont la communauté religieuse la plus persécutée de la planète.
Le métropolite a cité les pays dans lesquels les chrétiens subissent les plus fortes presions, parmi lesquels l’Égypte, la Libye, la Tunisie, l’Algérie, l’Irak (depuis l’intervention militaire les 9/10 du million et demi de chrétiens de ce pays ont été tués ou ont émigrés), le Pakistan, l’Afghanistan, le Soudan du Nord, le Nigéria, l’Erythrée, la Somalie, l’Arabie Saoudite, les Maldives, le Bangladesh, la Malaisie, l’Indonésie, les Philippines, la Birmanie, le Laos, l’Inde.
S’appuyant sur les résultats de la visite du Patriarche Cyrille en Syrie et au Liban, le métropolite Hilarion, qui avait accompagné le Primat de l’Église russe, s’est dit préoccupé de l’avenir des minorités religieuses, en particulier des chrétiens de Syrie, « en cas de destabilisation politique et de guerre civile ».
Le métropolite Hilarion a également souligné que les chrétiens n’étaient pas les seules victimes des persécutions religieuses : les représentants d’autres minorités religieuses en Irak, les hindouïstes au Pakistan et tant d’autres font également l’objet de pressions. Achevant son examen de la situation des minorités chrétiennes dans le monde, le président du DREE a remarqué que les gouvernements de certains pays faisaient beaucoup pour rétablir l’harmonie dans les relations interreligieuses.
Il a également expliqué la montée des persécutions contre les chrétiens par, en premier lieu, l’extrémisme et l’idéologie de haine sous couvert de religion qui prédomine dans certains pays musulmans ; en second lieu l’aggravation des relations entre chrétiens et musulmans dans les pays africains est due en partie à des pratiques missionnaires agressives employées par les églises évangéliques dont les prédicateurs travaillent activement avec les populations musulmanes locales afin de les convertir au christianisme. Par ailleurs, un certain contexte politique et économique rend plusieurs états intéressés à l’éclatement de conflits interreligieux dans les pays où les chrétiens sont minoritaires. Enfin, les persécutions massives que subissent aujourd’hui les chrétiens sont dues au rejet par l’Europe de son identité chrétienne.
« Avec le processus de sécularisation, la plupart des européens ont cessé de mettre leur vie en relation avec l’Évangile, ils vivent suivant les normes profanes de la société de consommation. Aux yeux des sociétés traditionnelles, cette civilisation « post-chrétienne » a perdu toute signification et toute valeur. Les musulmans se sont mis à accuser les chrétiens de maux qui n’ont rien à voir avec le christianisme, mais proviennent de la politique des États-Unis dans les pays du Proche Orient ou de l’influence délétère de la société de consommation. Il s’agit des normes profanes et des mœurs imposés par la force aux cultures traditionnelles. La protestation contre cette contrainte se transforme parfois en manifestation anti-chrétienne » a souligné le métropolite Hilarion.
Une autre explication à l’antichristianisme tient à une profonde dégradation du christianisme lui-même au sein de communautés protestantes occidentales, en particulier celles de type charismatique. « Malheureusement, les musulmans identifient souvent ces communautés avec le christianisme en général », a précisé Mgr Hilarion. « Nous constatons aujourd’hui que les leaders de différentes sectes charismatiques qui se donnent le nom d’églises chrétiennes, ne reculent pas devant certaines actions en vue de se faire de la publicité. Souvenons-nous de ce pasteur de Floride qui avait eu un geste blasphématoire envers le Coran. Ces gestes entraînent une dégradation de l’image du christianisme, de même que les agissements des sectes islamistes présentent l’islam sous une forme dénaturée ».
Le Président du DREE a souligné le rôle historique des pays européens et de la Russie dans la défense des minorités chrétiennes. Il a cependant remarqué que les persécutions avaient longtemps été tues en Europe : « Les politiques européens, retenus par le politiquement correct ont beaucoup parlé de l’antisémitisme, de l’islamophobie, se sont élevés contre toute manifestation d’intolérance religieuse ou ethnique, mais, pour des raisons qui leur appartiennent, ils ont passé sous silence la discrimination des chrétiens ».
Suivant le métropolite Hilarion, la situation a commencé à changer ces toutes dernières années : les organisations internationales se sont enfin intéressés au problème des poursuites contre les chrétiens dans le monde. En avril 2009, les participants de la conférence de l’ONU à Genève consacrée à la lutte contre le racisme et la xénophobie ont condamné la discrimination des chrétiens. En décembre 2010, à l’initiative de l’OSCE, un document de 40 pages a été préparé en vue du forum de Vienne « Rencontre sur la liberté de confession ». Ce document décrivait en détail les évènements et les situations au cours desquels des chrétiens avaient été victimes de discrimination ou d’intolérance durant les cinq années précédentes. Le 16 mars 2011, un séminaire a eu lieu à Bruxelles au Parlement européen : le problème de la christianophobie y a été abordé. Le 19 janvier 2011, en mémoire des victimes des récents actes terroristes contre les chrétiens, les membres du Parlement européen ont allumé des bougies, avant de voter le 20 janvier une résolution « Sur la situation des chrétiens à la lumière de la défense de la liberté de religion » qui condamnait le meurtre et la discrimination des chrétiens dans différents pays, y compris en Égypte, au Nigéria, au Pakistan, en Iran, en Irak et aux Philippines. Cette résolution, adressée aux gouvernements et aux parlements de ces pays a été adoptée à la majorité des voix.
Retraçant l’activité de l’Église orthodoxe russe pour la défense des chrétiens persécutés, le métropolite Hilarion a souligné que le Patriarcat de Moscou s’était prononcé et continuer à se prononcer contre toute forme de xénophobie, d’intolérance religieuse et d’extrémisme. « Nous avons compris l’indignation des musulmans lors de la publication de caricatures sur Mahomet dans un journal scandinave. Nous les avons soutenu après le vote d’une loi interdisant le port du hidjab en France dans les lieux publics. Nous sommes tout à fait prêts à discuter avec les frères musulmans de morale publique, à collaborer avec eux dans les domaines d’actualité ; en un mot, nous sommes prêts à développer un dialogue franc et honnête », a dit Mgr Hilarion.
« Il n’y a jamais eu de guerres de religion en Russie, bien que ce pays ait été peuplé et soit toujours peuplé de millions de fidèles appartenant à différentes religions. Mais nous ne pouvons pas rester indifférents aux pressions dont font l’objet nos frères dans les pays islamiques, et nous espérons que nos compatriotes musulmans nous soutiendront. Nous espérons également que leurs frères en religion dans les autres pays partageront notre souci des chrétiens persécutés et s’efforceront d’obtenir l’arrêt des persécutions et des discriminations » a insisté le président du DREE. Il a également exprimé l’espoir que le thème de la persécution des chrétiens serait envisagé dans le contexte de la collaboration interchrétienne.
« Il faut créer des centres permanents collectant et étudiant les données sur les cas de persécutions religieuses. Tout cas de persécution anti-chrétienne doit faire l’objet d’une action en justice », estime le métropolite Hilarion. « L’ONU peut et doit obtenir de ses états-membres l’observance des normes communément admises de liberté religieuse », a dit le président du DREE.
Selon lui, le Concile panorthodoxe en préparation doit également se prononcer sur le problème des persécutions des chrétiens dans différentes parties du monde.
Laura Lasserre, présidente du Conseil de l’ONU aux droits de l’homme, a souligné dans un message télévisé aux participants de la conférence, que la liberté de conscience et de confession fait partie des droits fondamentaux. Il faut donc chercher un moyen de garantir la compréhension mutuelle et la tolérance afin d’éviter violences et discriminations envers les chrétiens.
L’archevêque Erwin Joseph Ender, représentant du Vatican, a remarqué que même dans les pays où la violence religieuse n’était pas apparente, il existait une tendance à sous-estimer le phénomène religieux et à empêcher toute influence de la religion sur la société. « La discrimination des chrétiens, même là où ils sont majoritaires, doit être présentée à la société comme un phénomène intolérable, au même titre que l’antisémitisme et l’islamophobie », estime-t-il.
Le 1er décembre, la conférence poursuivra ses travaux en assemblée plénière, à l’issue de laquelle sera publié un communiqué.