« La Nativité du Christ n’est pas simplement prétexte à une fête laïque »
Le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, a accordé une interview au site « Commentaires d’actualité ».
La tradition de fêter la Nativité du Christ s’est mise en place sur plusieurs siècles. Au siècle précédent, le pouvoir athée est parvenu à la remplacer en Russie par la fête « laïque » du Nouvel an. Aujourd’hui, la Nativité du Christ est à nouveau largement fêtée, et l’on peut constater à quel point les traditions populaires et la piété liturgique sont étroitement imbriquées dans cette célébration. J’aimerais remarquer que le terme de « laïcité », qui apparaît à l’époque de la Révolution française et désignait le principe de séparation de la société civile d’avec l’Église, n’a nullement influencé la tradition de fêter Noël en France.
Je sais par mon expérience pastorale qu’une large part de la société russe ne considère pas la Nativité du Christ comme un simple prétexte à une fête «laïque » : cette fête est revêtue d’un sens profondément religieux, la joie de l’avènement du Seigneur et Sauveur dans le monde.
L’Église orthodoxe russe se situe hors du cadre de la lutte politique, elle ne soutient aucun parti politique ni aucune idéologie politique. La tâche de l’Église consiste à annoncer les idéaux évangéliques, à contribuer à leur incarnation dans la vie de la société, à unir les hommes sur la base des valeurs morales. Les batailles politiques, malheureusement, favorisent en général la division des gens en camps ennemis, suivant leurs préférences politiques.
Suivant la doctrine chrétienne, l’Église est surnaturelle par essence, et les lois de la société terrestre humaine n’ont pas prise sur elle. En même temps, l’Église existe dans un contexte socio-historique concret, elle se compose de gens ordinaires, c’est pourquoi elle ne peut pas ne pas réagir aux réalités qui l’entourent ni ne pas se pencher sur les nécessités de ses fidèles. C’est pourquoi l’Église participe à la vie de la société.
Aujourd’hui notre Église aspire à répondre à un besoin que l’on peut formuler comme l’aspiration des personnes, et même de certains groupes sociaux et d’instituts à trouver un soutien moral. C’est pourquoi l’Église se rend dans les écoles, les établissements d’enseignement supérieur, les internats, les hôpitaux et les institutions de défense comme l’armée et les prisons. Les paroisses se consacrent activement à enseigner, elles sont des foyers de vie culturelle et sociale. Tel est le ministère de l’Église, elle ne fait pas de publicité, elle ne tente pas de prendre le pouvoir ou d’être reconnue par la société, mais elle manifeste le sentiment de sa responsabilité pour l’avenir du peuple, l’accomplissement de sa vocation dans le monde.
A mon avis, en parlant de la présence de l’Église sur le terrain social, il faut s’abstraire des stéréotypes évoquant une tentative d’interférer dans la sphère politique et se concentrer sur une réflexion sur le soutien spirituel et moral que l’Église propose aux gens.
L’introduction au programme des écoles russes des « Fondements des cultures religieuses et de l’éthique laïque » ou, comme on l’appelait à l’aube de la discussion sur ce thème, « Les Fondements de la culture orthodoxe », est en discussion depuis plusieurs années. Depuis, tant les partisans d’une composante morale à l’école que leurs adversaires ont revu leurs copies à maintes reprises. De nombreuses versions de programmes scolaires, de méthodes d’enseignement de ce cours ont été porté au jugement du public. Résumant la discussion, on peut dire que tous ceux qui y ont participé s’accordent sur la nécessité de remédier à un certain vide dans le processus éducatif scolaire. Sur quelles valeurs doit reposer l’éducation scolaire, c’est une autre question.
A mon avis, il n’y a pas de valeurs plus accessibles aux hommes que la vérité, l’amour et le bien, le don de soi, la justice, le respect et la sollicitude au sein de la famille et dans les relations entre personnes, l’entraide et le soutien, toutes valeurs qu’enseigne l’Église se basant sur les Saintes Écritures et la Tradition. Sans reconnaissance et pratique de ces valeurs dans la vie quotidienne, on ne peut parler de bonne moralité.
L’état actuel de la société illustre bien ce qui vient d’être dit : les gens se préoccupent de moins en moins de la dimension morale de leur vie. La propagande agressive d’un mode de vie consumériste dans les médias explique en grande partie ce phénomène. Les gens s’habituent peu à peu à une existence dans laquelle l’homme est un loup pour l’homme : survit celui qui a pu donner un pot-de-vin au fonctionnaire et en obtenir ce qu’il voulait, monter en grade sans l’avoir mérité, s’approprier ce qui ne lui appartient pas.
Dans ce contexte, le retour aux fondements moraux est plus que d’actualité. A mon avis, l’introduction de cours d’enseignement religieux et éthique à l’école permettra d’inculquer aux enfants des valeurs spirituelles et morales, de les orienter vers une attitude responsable.
Quant aux parents athées, la matière « Fondements des cultures religieuses et de l’éthique laïque » prévoit un module d’enseignement spécifique explicitement annoncé dans l’intitulé même du cours.
L’Église s’appuie sur les notions de profit spirituel, elle part de la nécessité du développement artistique de la personne et n’éprouve aucune crainte devant la nouveauté.
Il suffit de consulter le secteur orthodoxe de l’internet russe, pour se rendre compte à quelle vitesse il se développe. La plupart des paroisses ont leur page, les prêtres et les laïcs orthodoxes sont actifs dans les blogs et les forums.
Il existe une énorme quantité de ressources informationnelles, d’agences, de groupes au sein des réseaux sociaux dont les créateurs et les membres se réclament de la tradition orthodoxe. Nous sommes heureux de cette activité de nos frères et sœurs dans les médias.
Cependant, la sphère des technologies d’information a également une dimension négative. Indépendamment de ses convictions, la vie d’un homme ne doit pas se réduire à l’espace virtuel. Tous sont appelés à vivre dans le monde réel créé par Dieu. C’est ici avant tout que nous servons Dieu et le prochain, ici qu’est notre maison, et non pas sur internet.
Nous sommes inquiets de la création et de l’utilisation de nouvelles technologies d’information amenant à une certaine dépendance toxicomanique à la communication virtuelle. Nous sommes contre un internet dans lequel ne fonctionnent pas les lois morales, où l’on peut librement insulter en profitant de l’anonymat.
Les jeux informatiques peuvent aussi être un moyen de formation pour les enfants, mais ils peuvent engendrer en eux une peur et une haine qui, tôt ou tard, s’exprimeront dans le monde réel. Si le jeu aide l’enfant dans son développement intellectuel ou son repos, sans devenir une idole, son utilisation est possible. Dans le cas contraire, il existe un réel danger pour la santé spirituelle et psychologique, la personnalité se dégrade.
L’afflux des croyants vers la Ceinture de la Mère de Dieu aura été un témoignage sans précédent de la piété du peuple russe. Les gens cherchent l’aide de Dieu et l’intercession de Sa Très-Sainte Mère, ces réalités spirituelles qui ne se laissent pas appréhender formellement et sont le fondement de la vie religieuse.
Les aspirations spirituelles de l’homme qui prennent leur source dans l’expérience de la proximité de Dieu déterminent tous les aspects de la vie, influençant avant tout l’affermissement de la conscience morale des personnes. Afin de comprendre pourquoi près de trois millions de personnes sont venues vénérer la Ceinture de la Mère de Dieu, l’approche sociologique est insuffisante, car on ne peut parler du sentiment religieux qu’à partir du langage des notions et des définitions spirituelles qui manquent très souvent au vocabulaire de l’homme moderne.