Le métropolite Hilarion : l’Église fait toujours mémoire de ceux qui ont témoigné au prix de leur vie de leur foi au Christ, Dieu et Sauveur
Le 19 novembre 2017, fête de saint Barlaam de Khoutin’ et de saint Constantin (Lioubomoudrov), prêtre et martyr, le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, a célébré la Divine liturgie à l’église Notre-Dame-Joie-de-tous-les-affligés.
Après la litanie instante, le métropolite a prié pour l’Ukraine.
A la fin de la liturgie, après les chants en l’honneur de saint Barlaam et de saint Constantin, le métropolite a prononcé l’homélie suivante :
« Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit !
Il y a 80 ans, le jour de la fête de saint Varlaam de Khoutin’, le prêtre Constantin Lioubomoudrov a été martyrisé. Il avait desservi cette église pendant des années, et nous le vénérons aujourd’hui comme hosiomartyr de l’Église russe. Il était né en 1879, et était le fils d’un lecteur d’une paroisse de la région d’Iaroslavl. Devenu prêtre, il desservit plusieurs paroisses de son diocèse, puis, une fois veuf, résolut de poursuivre ses études de théologie : il entra à l’Académie de théologie de Moscou, pour ne terminer ses études que sous le nouveau régime athée.
A cette époque, le père Constantin était déjà un homme d’âge mûr. Il fut désigné pour célébrer dans cette église, d’abord comme prêtre, puis comme recteur de la paroisse. Les temps étaient durs pour l’Église, car le pouvoir athée s’était donne pour objectif de l’anéantir, de la liquider physiquement. L’Église était soumise à des persécutions aussi bien dans la capitale qu’en banlieue, dans les villes et les villages. Rendus fous par la permissivité qui régnait alors, les gens emmenaient les prêtres dans le gel, leur jetaient de l’eau froide, les dénonçaient, puis les faisaient fusiller. Malgré ces cruelles persécutions, l’Église a continué sa mission durant tout le temps que durèrent les persécutions.
Partout, les églises fermaient. Les écoles de théologie qu’avait fréquentées le père Constantin fermaient aussi. Les monastères fermèrent à leur tour. En 1931, l’église du Christ Sauveur fut dynamitée, et, en 1932, Constantin Lioubomoudrov, futur martyr, fut expulsé de Moscou à Alma-Ata. Il revint trois ans plus tard, mais l’église avait déjà fermé, et il ne put reprendre son service. Il célébrait donc dans des maisons particulières, s’efforçant de ne pas laisser sans sollicitude pastorale les rares personnes restées fidèles à l’Église.
Vint l’année 1937. Cette année est entrée dans l’histoire de notre pays comme celle des plus terribles répressions qu’aient connu non seulement l’Église, mais toutes les couches de la société. Le régime politique exigeait des répressions. Les gens se dénonçaient les uns les autres, dénonçant les membres de leur famille, et les organes de répression se saisissaient des uns et des autres, les tuant ensuite. Beaucoup l’ont oublié, et certains ne veulent pas s’en souvenir. « A quoi bon le rappeler, disent-ils, concentrons-nous sur les aspects positifs de l’époque, sur l’industrialisation, la collectivisation ; le pays avançait. »
Mais l’Église n’oublie jamais ses héros et se souvient toujours de ceux qui ont témoigné de leur foi au Seigneur Jésus Christ, Dieu et Sauveur, au prix de leur vie. Ils accomplissaient leur exploit dans le silence, et nous ne savons pas comment beaucoup d’entre eux ont fini leurs jours.
On sait que saint Constantin fut fusillé au polygone de Boutovo, inhumé dans une fosse commune, où l’on jetait les corps des victimes. Ses os reposent dans cette fosse commune, parmi les ossements de tant d’autres.
On sait par des témoins comment se déroulaient les exécutions au polygone de Boutovo, ainsi que par les documents qui ont été rendus publics pendant quelques temps et sont de nouveau classés secrets. A l’époque où ils étaient accessibles, on a pu apprendre ce qui s’est passé.
Le polygone de Boutovo était une véritable usine de la mort, où l’on exécutait tous les jours, ou plutôt toutes les nuits, jusqu’à plusieurs centaines de personnes. Les jours record, ce sont 500 personnes qui étaient tuées en une seule nuit. Les exécutions avaient généralement lieu au beau milieu de la nuit : on amenait les condamnés dans des camions, on les mettait en ligne, on tirait dans la nuque. Les corps tombaient dans la fosse et ils étaient immédiatement recouverts de terre. Il n’y avait aucun examen, on ne se préoccupait pas de savoir si le condamné était mort ou non, et certains ont été enterrés encore vivants, respirant encore. Aucun de ceux qui moururent ainsi dans ces terribles souffrances, dans le secret le plus absolu, ne se doutait alors qu’on se souviendrait de lui 70 ou 80 ans plus tard.
Mais l’Église n’oublie pas ceux qui lui restent fidèles. Chacun des prêtres fusillé à Boutovo, fusillé ailleurs ou exécuté autrement partout ailleurs demeure dans la mémoire reconnaissante de l’Église. Non seulement les prêtres, mais les nombreux laïcs qui ont témoigné sans peur de leur fidélité au Sauveur. Le cortège des nouveaux-martyrs et des confesseurs de l’Église russe compte des hiérarques, des prêtres, des diacres, des moines, des laïcs : tous, en ces années si dures pour l’Église ont accompli des prouesses pour la foi.
Saint Constantin Lioubomoudrov est l’un des confesseurs de l’Église russe, martyrisé pour sa foi au Christ. Aujourd’hui, nous le glorifions comme l’un des saints patrons de cette sainte église, intercédant pour elle devant Dieu. Bien qu’il n’ait pas toujours pu célébrer ici, nous croyons qu’il est présent en esprit. Maintenant qu’il se tient devant le Seigneur et prie pour notre peuple, nous ne doutons pas qu’il se tient aussi avec nous à l’autel de Dieu chaque fois que l’Eucharistie est célébrée.
Il prie pour nous, pour nos proches, pour notre pays. Il prie aussi pour que ne revienne jamais un pouvoir qui serve le diable au lieu de servir Dieu. Afin que les cruelles persécutions du pouvoir contre son peuple ne se répètent jamais. Il prie pour notre sainte Église, pour qu’elle reste ferme et inébranlable, sans se laisser troubler par aucune tentation ni aucune séduction, afin que le Seigneur bénisse notre Église et notre peuple pour de longues années.
Je vous souhaite à tous une bonne fête titulaire, car l’un des autels de cette église est consacré en l’honneur de saint Varlaam de Khoutin’. Comme je l’ai dit hier soir, ce n’est pas un hasard si saint Constantin a été martyrisé justement le jour de sa fête. Il avait une fervente dévotion à saint Varlaam, le priait tous les jours, et saint Varlaam a permis qu’il mourût le jour de sa mémoire.
Par les prières de saint Varlaam de Khoutin’ et de saint Constantin Lioubomoudrov, prêtre de Moscou, que le Seigneur vous garde. Amen. »