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Le métropolite Hilarion de Budapest et de Hongrie : Le Vatican a cédé aux libéraux sur la question des mariages homosexuels

Service de communication du DREE, 29.02.2024Un rapport de la Commission synodale biblique et théologique sur la déclaration catholique « Fiducia supplicans » a été soumis à l’examen de Sa Sainteté le patriarche Cyrille de Moscou et de toutes les Russies. Cette déclaration, récemment adoptée par la Congrégation pour la doctrine de la foi de l’Église catholique romaine, traite de la bénédiction des couples hétérosexuels non mariés à l’église et des couples homosexuels. Le métropolite Hilarion de Budapest et de Hongrie, président de la Commission synodale biblique et théologique, a répondu aux questions de Ria-Novosti sur ce thème d’actualité, ainsi que sur le dialogue avec les catholiques, les prétentions « papistes » du Patriarcat de Constantinople et les églises en Hongrie.

Mgr Hilarion, comment la commission que vous présidez s’est-elle attelée à l’étude de la déclaration « Fiducia supplicans » ?

– Nous avons étudié ce document à la demande de Sa Sainteté le patriarche Cyrille de Moscou et de toutes les Russies. Le plénum de la Commission synodale biblique et théologique s’est réuni, et j’ai pu présenter les résultats du travail de la commission à Sa Sainteté le patriarche.

– Pourquoi l’Église orthodoxe russe a-t-il décidé d’étudier ce document ? Ne s’agit-il pas d’un document interne à l’Église catholique romaine ?

– Parce que nous dialoguons et coopérons avec l’Église catholique. Nous nous devions de réagir à une innovation aussi radicale.

– Cette déclaration a été interprétée différemment : certains assurent qu’il s’agit d’une étape intermédiaire avant le mariage des couples homosexuels, d’autres que le document ouvre aux personnes la possibilité de recevoir l’aide de l’Église, notamment pour lutter contre leurs passions, que ceux qui demandent une bénédiction sont bénis personnellement, l’un après l’autre, sans que ce geste puisse être interprété comme une imitation de mariage. Qu’en pensez-vous ?

– La commission a réagi très négativement et sans équivoque à la déclaration « Fiducia supplicans ». Nous avons été unanimes à voir dans ce document un écart très sérieux aux normes chrétiennes. Vous dites que la bénédiction peut être reçue tour à tour par les personnes, mais le document ne le dit pas. Le document parle justement de la bénédiction des couples. Il mentionne deux catégories de couples. D’une part, les couples en situation dite irrégulière. C’est-à-dire un homme et une femme n’étant pas mariés à l’église ou vivant maritalement. Ces situations sont très fréquentes dans l’Église catholique, car la procédure de divorce y est très compliquée, il est difficile, voire presque impossible d’obtenir de l’Église l’autorisation de divorcer. Mais la seconde catégorie de personnes dont parle le document, ce sont les couples homosexuels. Or, les mêmes critères sont appliqués aux uns et aux autres.

– En quoi consiste la principale contradiction avec le christianisme, d’après la commission ?

– Le document décrit les couples homosexuels comme des personnes ayant besoin de la bénédiction de l’Église pour leur guérison et leur édification. En d’autres termes, ils peuvent être bénis en tant que couples, et non à part, en tant qu’individus. Oui, la déclaration prend la précaution de répéter à maintes reprises et sous différentes formes que ces bénédictions ne doivent pas être ritualisées, qu’elles doivent être spontanées et ne pas rappeler le mariage par leur forme. A cause de ce souci, plusieurs recommandations concrètes sont émises pour faire en sorte que ces bénédictions ne ressemblent pas à un mariage. Le document affirme en outre que la doctrine de l’Église sur le mariage comme union d’un homme et d’une femme, ouverte à la naissance d’enfants, reste inchangée. Mais, dans le même temps, la pratique des bénédictions de couples homosexuels, de notre point de vue, est en contradiction radicale avec la doctrine morale chrétienne.

– Pourriez-vous l’expliquer plus en détail ?

– Le document, par exemple, ne parle pas du sacrement de pénitence, il ne dit rien du repentir ni de la lutte contre le péché. Autrement dit, lorsque le prêtre vient en aide aux personnes en situation irrégulière ou vivant en couple homosexuel, il n’est pas question, selon le document, qu’il dénonce le caractère peccamineux de leur mode de vie. Ceci concerne particulièrement les couples homosexuels, bien sûr. De façon générale, le mot « péché » est employé quelques fois dans le document, mais uniquement pour dire que les péchés de l’homme ne peuvent surpasser l’amour de Dieu, et que la grâce divine agit malgré nos péchés. Il n’est question ni de repentance ni de correction de son mode de vie pour ceux qui viennent demander une bénédiction en tant que couple.

– Selon vous, pourquoi l’Église catholique a-t-elle adopté ce document ? Afin de reconnaître ultérieurement la cohabitation et le mariage des couples homosexuels ?

– Je ne pense pas qu’il s’agisse déjà du mariage des couples homosexuels puisque l’Église catholique déclare pour l’instant que sa doctrine du mariage, entendu comme union d’un homme et d’une femme, reste inchangée. Néanmoins, l’exemple des communautés protestantes est révélateur : tout a commencé par des bénédictions spontanées non ritualisées, puis, dans certaines communautés, on a purement et simplement adopté un rite de bénédiction des couples homosexuels. Je ne pense pas que l’Église catholique aille jusque-là. Mais il s’agit d’un signal très alarmant, perçu comme une concession de la hiérarchie de l’Église catholique aux milieux libéraux qui cherchent à dicter leur agenda.

– Vous parlez de « concession de la hiérarchie ». Comment le monde catholique, les prêtres et les paroissiens, ont-ils accueilli ce document ? Qu’en savez-vous ?

– La déclaration a suscité des réactions mitigées dans le monde catholique. Elle a, bien sûr, été approuvée et accueillie avec joie par différents militants gays et représentants des minorités sexuelles. Mais les structures locales de l’Église catholique se sont prononcées, dans certains cas, ouvertement contre cette déclaration.

– Dans quels pays ?

– La Conférence épiscopale de Hongrie a décidé que la bénédiction des couples homosexuels était impossible dans tous les cas. Le document ne sera pas appliqué en Hongrie. Même chose, par exemple, au Nigeria, au Kazakhstan, en Biélorussie. Je pense qu’il ne sera sûrement pas appliqué en Afrique. Donc ce document a déjà introduit une sérieuse division à l’intérieur même de l’Église catholique.

– Qu’adviendra-t-il ensuite du « document sur le document », des résultats de la discussion de la Commission synodale biblique et théologique sur la déclaration du Vatican ?

– La Commission synodale biblique et théologique travaille toujours à la demande de Sa Sainteté le patriarche ou du Saint-Synode. Quand nous préparons un document, nous le remettons ensuite au patriarche, et c’est Sa Sainteté qui décide de son sort. Soit le document est publié, soit il est amendé, soit il sert de bases à des décisions, des actes, des lettres…

– Quelle réaction des catholiques attendez-vous aux conclusions de la commission de l’Église russe ?

– Je ne souhaite pas faire de prévisions, nous avons simplement fait notre travail. Notre commission s’appelle « biblique et théologique » et nous avons attiré l’attention sur le fait que l’Écriture sainte ne permet en aucun cas de justifier cette nouvelle pratique. L’Écriture sainte est parfaitement claire sur la cohabitation entre personnes de même sexe. Nous avons attiré l’attention sur le fait que, de notre point de vue, ces nouvelles décisions de l’Église catholique sont en contradiction avec les normes morales chrétiennes fondamentales.

Nous avons fait ce que nous devions faire. Quel sera le sort du document de la commission, sera-t-il publié, quelle sera la réaction de l’Église catholique, il m’est difficile de le dire. Mais on peut déjà voir quelle réaction suscite la déclaration « Fiducia supplicans » dans l’Église catholique et dans le monde.

– Quelles répercussions cela aura-t-il sur les rapports entre l’Église orthodoxe russe et l’Église catholique romaine ? Des efforts communs sont-ils en préparation, notamment en vue de la paix, du règlement de la situation en Ukraine ?

– Je n’en sais rien. Lorsque le pape François est venu à Budapest l’an dernier et que je l’ai rencontré, il n’en a pas été question. Il est vrai qu’à son départ de Hongrie en avion, les journalistes ont demandé au pape de quoi il avait discuté avec le Premier ministre Orban et avec le métropolite Hilarion. Il a répondu : « Nous n’avons évidemment pas fait que parler du Petit Chaperon rouge ». Je pense qu’il avait principalement en vue sa conversation avec M. Orban, avec lequel il a parlé politique, bien entendu. Avec moi, il n’a pas abordé de questions politiques.

– « Le Petit Chaperon rouge », c’était juste une plaisanterie ?

– Oui, sans doute une manière de dire qu’il avait été question de choses sérieuses.

– Vous avez souvent prévenu que le patriarche de Constantinople prétendait jouer le rôle de « pape » du monde orthodoxe. Qu’avez-vous à dire sur le fait qu’il a rétabli la semaine dernière dans son rang d’archiprêtre Alexis Ouminsky, un clerc réduit à l’état laïc dans l’Église russe pour avoir enfreint son serment de prêtre en refusant de lire la prière pour la Sainte Russie, qui contient une demande pour le don de la victoire ?

– Le précédent projet de la Commission synodale biblique et théologique avait été la préparation d’un document détaillé sur la nouvelle ecclésiologie de Constantinople, c’est-à-dire sur les innovations dans la doctrine de l’Église. A notre avis, elles s’écartent très sérieusement de la Tradition orthodoxe et constituent essentiellement une tentative d’imposer à l’Église orthodoxe universelle un nouveau modèle de direction, semblable à celui existant dans l’Église catholique. Notre document s’appelle « De l’altération de la doctrine orthodoxe dans les actes de la hiérarchie du Patriarcat de Constantinople et les discours de ses représentants ».

Nous avons montré dans ce document que dans leur polémique avec les catholiques, les orthodoxes, y compris les patriarches de Constantinople ont défendu pendant des siècles l’idée que les Églises orthodoxes locales étaient égales entre elles, qu’il ne pouvait y avoir un seul chef terrestre pour toute l’Église universelle. Or, les actes du patriarche Bartholomée de Constantinople, notamment la légalisation du schisme ukrainien, le « rétablissement » dans leur rang ecclésiastique de ceux qui ont été réduits à l’état laïc pour différentes raisons, découlent de sa nouvelle doctrine. Car Constantinople se proclame désormais cour d’appel suprême. Ainsi, n’importe quel clerc de n’importe quelle Église locale, mécontent des décisions de sa hiérarchie, peut désormais s’adresser à Constantinople, et Constantinople prendre les décisions qu’il jugera bon. Bien plus, ce clerc peut rester territorialement au même endroit, comme en Lituanie, où Constantinople a « rétabli dans son rang » des clercs réduits à l’état laïc restés en Lituanie. Ils ont fondé depuis une structure parallèle du Patriarcat de Constantinople en Lituanie, alors que ce pays fait partie du territoire canonique de l’Église orthodoxe russe.

– Cela veut dire que le document adopté l’an dernier n’a pas remis les hiérarques du Patriarcat de Constantinople dans le droit chemin ?

– Nous ne pensions pas que ce document rendrait, disons, la raison, aux hiérarques du Patriarcat de Constantinople. Mais nous devions rédiger ce document pour notre usage interne, pour que tous comprennent clairement à cause de quoi a eu lieu la rupture (de la communion avec Constantinople, ndt). Qu’il ne s’agissait pas de désaccords conjoncturels, mais d’un désaccord de principe. Constantinople a élaboré une nouvelle doctrine ecclésiologique qui contredit la Tradition de l’Église orthodoxe. Par ailleurs, nous voulions aussi que ce document soit lu dans d’autres Églises orthodoxes locales, notamment dans celles qui ne sont pas d’accord avec Constantinople. Et nous savons qu’il a été lu avec beaucoup d’attention.

– Donc vous constatez de bons résultats dans les échanges avec les représentants d’autres Églises orthodoxes locales sur ce sujet ?

– Oui.

– Monseigneur, où en sont la restauration et la construction d’églises en Hongrie : la cathédrale de la Dormition de Budapest, les églises de Miškovec, de Tokai, de Heviz ?

– Notre principal projet est la restauration de la cathédrale de la Dormition de Budapest, située en plein centre, sur les rives du Danube, place Petofi, près du monument au grand poète hongrois Sandor Petofi. Cette cathédrale a été bâtie à la fin du XVIII siècle. Le Patriarcat de Constantinople a cherché à nous la disputer. Quand j’étais administrateur temporaire du diocèse de Vienne et de Budapest, entre 2003 et 2009, nous étions en procès avec Constantinople, ils nous avaient attaqués en justice. Nous avons gagné les trois procès l’un après l’autre, mais cela a pris environ six ans. Les travaux avaient commencé au même moment. Nous avons pu restaurer les fondations d’une des tours manquantes, c’est la compagnie Lukoil qui a financé les travaux.

Mais la restauration n’est vraiment devenue possible qu’après que le gouvernement hongrois ait allouée en 2017 une somme considérable pour quatre chantiers : la cathédrale de la Dormition de Budapest, l’église Saint-Nicolas de Tokai, l’église de la Trinité de Miškovec et l’église Notre-Dame-Source-vivifiante de Heviz. Malheureusement, la pandémie a beaucoup ralenti les travaux de restauration sur les trois premiers chantiers et de construction sur le quatrième. Mais la restauration de la cathédrale de la Dormition est presque terminée. Les travaux d’extérieur sont finis, les travaux à l’intérieur sont presque achevés et nous en sommes à la restauration des icônes et de l’iconostase.

L’église de Heviz est déjà construite, les travaux d’aménagement sont en cours. Les deux autres chantiers sont plus ou moins avancés : à Miškovec, la restauration se poursuit, à Tokai, elle sera bientôt achevée.

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