Le métropolite Hilarion : Le Seigneur nous invite à réexaminer notre vie pendant le Grand Carême
Le 15 mars 2021, lundi de la première semaine du Grand Carême, le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, a célébré les Grandes complies et lu le Grand canon de saint André de Crète à l’église Notre-Dame-Joie-de-tous-les-affligés, rue Bolchaïa Ordynka, à Moscou.
Après la lecture du canon, le métropolite a prononcé une homélie :
« Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit !
Nous avons entamé le voyage spirituel que l’Église appelle la Sainte Quarantaine. Pendant six semaines, nous traverserons l’espace du Grand Carême, menant à la Semaine Sainte, laquelle conduit à la fête de la Pâque du Christ.
Quand on part en voyage, on pense d’abord au but. Le voyage lui-même n’a d’importance que parce qu’il mène à un but concret. Si l’on s’égare, si l’on n’arrive pas au but, le voyage est manqué.
L’objectif de notre voyage spirituel, ici, sur terre, dans la perspective de ces sept semaines, est la fête de Pâques. L’objectif du voyage que notre âme fera pendant les semaines à venir, est la purification spirituelle, nécessaire pour voir des yeux de l’âme le Christ ressuscité.
« Bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu » (Mt 5,8), dit le Seigneur. Voir Dieu des yeux de chair est impossible, mais les yeux de l’âme sont prédisposés à la contemplation de Dieu ; à une condition essentielle, toutefois : ils doivent être purs. C’est à cette purification intérieure, spirituelle que la Sainte Église nous appelle pendant le Grand Carême.
L’Église propose différents remèdes pour purifier l’âme. La structure même de la vie liturgique change. On entend des cantiques inhabituels, chantés sur des motifs pénitentiels. L’appel de saint André de Crète résonne : « Mon âme, mon âme, lève-toi, pourquoi dors-tu ? » Cet appel à l’âme est repris dans de nombreux chants du Grand Carême.
Mais à quoi l’Église appelle-t-elle ces jours-ci, qu’est-ce que ce chemin de pénitence qu’elle invite à parcourir ?
Le repentir n’est pas seulement le regret d’avoir mal agi. Chacun a commis des actes qu’il regrette, qui l’attristent, dont il se repent et qu’il aimerait ne pas répéter. Mais le mot même de « repentir » contient quelque chose de plus : il s’agit de repenser sa vie, de reconsidérer ses repères, de se regarder autrement, de voir d’un autre œil le monde environnant. C’est ce que veut dire le Seigneur dans le sixième commandement des béatitudes : « Bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu ». Quand le cœur est enténébré, quand le péché fait de l’ombre à Dieu, on est incapable de voir le Seigneur, ni dans son âme, ni dans les évènements de sa vie, ni dans ce qui se passe autour. Beaucoup vivent ainsi, dans les ténèbres, ne soupçonnant même pas qu’il existe une lumière illuminant tout homme qui vient au monde. Beaucoup sont certains que Dieu n’existe pas, que la terre et l’univers se sont faits eux-mêmes, l’homme n’étant qu’un jouet entre les mains du hasard : ce serait le hasard qui déterminerait que l’homme réussisse ou pas dans la vie.
Nous, croyants, connaissons l’existence de la Providence divine. Le Seigneur a créé le monde visible et le monde invisible. Le monde invisible existe parallèlement au monde qui nous entoure. Ceux qui ne croient pas en Dieu ou dont la vue est assombrie par le péché ne le voient pas. Nous savons aussi que Dieu est présent dans nos vies, qu’Il prend soin de chacun. Nul besoin de chercher le Royaume de Dieu au loin, il est dans le cœur.
En ces jours du Grand Carême, le Seigneur appelle à reconsidérer sa vie à la lumière de l’Écriture Sainte, à la lumière des commandements de la Sainte Église. Chacun sait ce dont il doit se repentir, ce qu’il doit changer en lui. Chacun peut repenser sa propre vie. Dans la vie courante, le péché voisine souvent avec la vertu. On peine souvent à distinguer le bien du mal, car le mal est si intimement mêlé au bien qu’on est incapable de les séparer. On se trompe souvent dans ses jugements ; on veut, par exemple, dire une vérité qui paraît évidente. Mais pour les autres, elle ne l’est pas et, s’étant exprimé, on vexe son prochain, n’ayant pas réfléchi à la façon dont il percevra cette parole. Il y a tant de choses à revoir dans nos vies pendant ce carême.
Cependant, si l’on se contente de fouiller en soi, de ressasser son passé, de se souvenir de ses actes et des fautes commises, on n’avance pas sur le chemin du repentir. La pénitence ne porte fruit que si l’on mesure sa vie à l’aune de l’Écriture Sainte. C’est ce que rappelle et que rappellera saint André de Crète les trois prochains jours.
Saint André de Crète, dans son Grand canon pénitentiel, voulait rappeler aux moines de son temps la nécessité de lire l’Écriture Sainte. Pendant le Grand Carême, nous sommes appelés à lire l’Écriture Sainte, l’Ancien Testament. Chaque jour, à l’église, on lit les lectures du Nouveau Testament pendant les offices – des passages de l’Apôtre et de l’Évangile. Mais pendant les jours de semaine du Grand Carême, on ne lit pas l’Évangile. Afin de rappeler que l’Ancien Testament et les histoires mentionnées dans le Grand canon contiennent beaucoup d’éléments importants et édifiants.
Relisons ces histoires pendant le Grand Carême. Relisons le livre de la Genèse, le livre de l’Exode, les livres des prophètes, le livre de Job, le livre de la Sagesse de Salomon. Ils ont beaucoup à nous apprendre, même si nous les avons déjà lus et en connaissons le sujet. Ne relisons pas ces livres comme des œuvres littéraires, mais cherchons à relier notre vie à ce rapportent les récits sacrés.
La Bible est unique en ce qu'elle n'évalue pas l'homme du point de vue humain : elle montre comment le Seigneur voit l’homme. En se pénétrant de l'esprit de l'Ancien Testament, on découvrira peut-être une autre vision de soi et de ses proches, on apprendra, dans une certaine mesure, à se voir, à voir ses proches non seulement de ses yeux humains, enténébrés par le péché, mais tels que les voit Dieu.
Nous engageant sur le chemin de la pénitence, demandons au Seigneur d’ouvrir nos yeux spirituels, de nous illuminer de la lumière de Son discernement. Pour que les labeurs du Grand Carême soient pour chacun une nouvelle révélation sur Dieu, sur nous-mêmes et sur notre environnement. Amen. »