Département des relations ecclésiastiques extérieures
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Discours de Sa Sainteté le Patriarche Cyrille après l’office d’intercession au monastère Saint-Pantéléimon
Le 27 mai 2016, Sa Sainteté le Patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie a célébré un office d’intercession au monastère russe Saint-Pantéléimon sur le Mont Athos. Après l’office, le Primat de l’Église russe s’est adressé à l’assistance.
Éminence révérendissime, Monseigneur Apostol de Milet, Éminences, Révérend Père Jérémie, chers pères et frères, le Christ est ressuscité !
Tout homme qui revient au Mont Athos fait chaque fois l’expérience d’un état particulier de l’âme en touchant de près à l’exploit ascétique multiséculaire de gens qui ont quitté le monde et se sont retirés ici, dans ce lieu écarté, pour se consacrer à la prière, à la contemplation et au travail. La prière est au cœur de la vie monastique. Selon un saint, un moine qui ne prie pas n’est qu’un tison noirci, une souche qui n’a pas brûlé jusqu’au bout, parfaitement inutile, incapable de rien : elle ne peut brûler et on ne peut rien en faire. Il en va de même dans la vie monastique : si la prière sincère, la prière du cœur, cesse d’être le centre de la vie du moine, il n’en reste plus rien, car la prière en est le cœur. C’est parce que tous les habitants de la Sainte Montagne prient ardemment, parce qu’ils allient la prière aux exercices du jeûne et de la solitude que ce lieu ne se perçoit pas par la raison, mais par le cœur, comme une source singulière de grâce divine.
Je suis venu ici avec mes compagnons pour fêter avec vous, très chers, le millénaire de la première mention dans les documents d’archives de la présence de moines russes sur la Sainte Montagne. La plupart des chercheurs affirment que des Russes sont venus sur l’Athos immédiatement après le Baptême de notre peuple, voire avant. Mais dans la mesure où nous n’en avons pas de témoignage écrit, nous comptons les mille ans de la présence russe sur le Mont Athos à partir de 1016 : c’est sous cette année que figure la signature de l’higoumène du « monastère des Ros ».
En mille ans, beaucoup d’évènements se sont enchaînés dans l’histoire de l’Athos et dans l’histoire de notre pays. Mais les liens tissés dans l’antiquité n’ont jamais été vraiment brisés, même durant les années les plus dures de la fièvre athéiste. S’il était impossible physiquement de communiquer, ici, sur le Mont Athos, et plus particulièrement au monastère russe Saint-Pantéléimon, des prières pour notre peuple et pour notre Église continuaient à s’élever vers Dieu. Dès qu’il a été possible de visiter la Sainte Montagne, nos hiérarques, des prêtres, des pèlerins sont venus, d’abord quelques un par an, puis de plus en plus.
Je garde en mémoire ma première visite, mon premier pèlerinage sur l’Athos. J’accompagnais alors le Patriarche Pimène, c’était en 1971. A l’époque, il y avait sept moines. Lorsque nous sommes arrivés pour les vigiles, à l’église de l’Intercession, il n’y avait pas d’électricité, tout était sombre. Nous avions l’impression qu’il n’y avait personne : les couloirs étaient vides, on n’entendait pas un bruit. Lorsque je me suis approché des portes de l’église de l’Intercession, j’ai vu les veilleuses allumées, des cierges, et quelques moines russes courbés. Alors j’ai compris que notre peuple était présent ici, que notre Église était présente. Finalement, cette présence ne dépend pas du nombre. Je me souviens de la joie qui a inondé mon cœur, car dans ce petit troupeau je discernais l’avenir glorieux de notre monastère.
Aujourd’hui, nous sommes témoins de grandes mutations. Des pèlerins viennent ici en pèlerinage de tous les coins de la Rus’ historique, de tous les pays et de tous les peuples vivant dans l’espace dont l’Église orthodoxe a la charge pastorale. Nous avions envie de célébrer le millénaire de la présence russe sur le Mont Athos et de restaurer tout ce qui avait été détruit, détruit par le feu, par le temps, par l’absence. C’est pourquoi je regarde avec une joie particulière cet antique monastère Saint-Pantéléimon, si bien restauré qu’il en est méconnaissable. Cela a été possible parce qu’il n’y a aucune barrière à la préservation des liens spirituels entre la Rus’ et l’Athos. Nous savons avec quelle abnégation tant d’orthodoxes ont répondu à l’appel du Patriarche de contribuer à la restauration du monastère Saint-Pantéléimon à la veille du millénaire. L’État russe a aussi répondu à cet appel, ainsi que de nombreux fidèles par toute l’Église, qui ont permis de réaliser cet ancien rêve.
Je remercie maintenant tous ceux qui ont travaillé. Je remercie l’État russe, le Président qui, je l’espère, viendra prier avec nous demain, le premier ministre, qui présidait la fondation de restauration et qui a beaucoup contribué à la réalisation des programmes, je remercie les bienfaiteurs dont, Seigneur, tu connais les noms. Certains d’entre eux recevront demain des décorations. Mais l’essentiel est que cet immense travail témoigne de la foi brûlante de notre peuple et de son amour pour l’Athos.
Je suis heureux que cet amour soit soutenu ici, sur la Sainte Montagne, et en premier lieu par vos prières, chers frères. C’est pourquoi je m’adresse à vous, vous demandant de ne pas faiblir dans la prière pour la terre de Russie, pour notre Église, pour notre peuple qui, même dans les circonstances les plus tragiques, a gardé la foi et est resté fidèle au Christ.
Je suis très heureux de voir le père Jérémie, notre starets, higoumène et archimandrite de ce monastère. Je me souviens du père Jérémie lorsqu’il était, je ne dirais pas jeune, mais très vaillant, ne ressemblant en rien à un vieillard, travaillant aux obédiences qui lui étaient confiées. J’avais été touché en voyant le père Jérémie revenant de Salonique, d’où il ramenait des produits alimentaires et le nécessaire pour la communauté. Je me souviens que lorsque le Seigneur avait permis que le père Jérémie se cassât la main, il n’avait pas quitté ses obédiences.
Voici un exemple remarquable qui aidera les jeunes moines à prendre conscience de l’importance de l’obéissance dans le monachisme, indépendamment de la situation qu’ils occupent dans l’Église ou le monastère. L’obéissance est sainte pour le moine, et il faut l’accepter sans se plaindre, avec humilité, embrassant l’obéissance, comme il est dit au rituel.
Je vous salue encore une fois, très chers, père Jérémie, frères, pèlerins, invités et tous ceux qui sont venus fêter ce grand évènement de la vie de l’Église russe et de l’Athos. Que la bénédiction de Dieu demeure sur vous tous. Dieu vous garde !
Patriarche
Président du Département
14.10.2020
28.08.2020