Le métropolite Hilarion : que la participation à l’office divin devienne école de théologie et nous apprenne à penser en Dieu
Le 13 novembre 2016, 21e dimanche après la Pentecôte, le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, recteur de l’Institut des Hautes Études Saints-Cyrille-et-Méthode, a célébré la Divine liturgie à l’église de la Décollation-de-Saint-Jean-Baptiste (Moscou).
Avant la liturgie, le métropolite Hilarion a célébré la grande consécration de la chapelle gauche de l’église, dont l’autel est dédié aux saints Côme et Damien.
Le métropolite Hilarion a dit une prière pour la paix en Ukraine après la litanie instante.
A la fin de l’office, il a prononcé une homélie, revenant tout d’abord sur la consécration de la chapelle latérale de l’église et annonçant que la Liturgie serait désormais célébrée quotidiennement dans cette église, soit à l’autel principal, soit aux autels latéraux.
« Nous avons prié aujourd’hui pour que le Seigneur garde cette église jusqu’à la fin des temps. Beaucoup d’entre nous se souviennent de temps encore récents où l’on détruisait les églises. Celles qui n’étaient pas démolies étaient utilisées à des fins inconvenantes. Aujourd’hui, nous demandons au Seigneur que toutes les églises bâties ou rebâties aujourd’hui tiennent jusqu’à la fin des temps, pour que le peuple y vienne prier et que la prière des paroissiens s’élève sous leurs voûtes jusqu’au trône de Dieu. Nous prions à cette intention chaque fois qu’une église est consacrée, qu’elle soit neuve, reconstruite ou restaurée (…)
Nous avons entendu la lecture de l’Apôtre, puis celle de l’Évangile. Si nous sommes généralement attentifs à l’Évangile, la lecture de l’Apôtre nous passe souvent au-dessus de la tête, car nous ne comprenons pas tout ce que dit l’apôtre Paul (dont les lettres sont lues le plus souvent durant l’année). Et nous ne saisissons pas bien le sens de ses épîtres dans leur traduction slavonne.
Aujourd’hui, nous avons entendu un passage de saint Paul très important, tiré de son épître aux Galates : « L’homme n’est pas justifié par la pratique de la loi, mais seulement par la foi en Jésus Christ » (Gal 2, 16). Ces mots ont suscités de nombreuses controverses et, au cours des siècles, ils ont été différemment interprétés. On sait que Martin Luther, le fondateur de la Réforme allemande, dont les protestants fêteront l’an prochain le 500e anniversaire, a interprété ce passage à sa manière, affirmant que l’homme n’est pas sauvé grâce à ses bonnes œuvres, mais pas la foi seule en Jésus Christ, comme si les bonnes œuvres étaient inutiles au salut. Ainsi, on a tiré de cette citation de saint Paul la doctrine de la prédestination : le Seigneur aurait prédestiné certaines personnes au salut et d’autres à la perdition, le salut étant uniquement l’œuvre de la miséricorde divine.
Lorsque la réforme eut gagné de nombreux pays d’Europe occidentale, l’Église catholique réagit en convoquant le Concile de Trente, qui condamna la doctrine de Luther et affirma que les œuvres étaient nécessaires au salut, aussi bien que la grâce divine.
La tradition orientale chrétienne est restée en dehors de ces débats. Mais nous ne pouvons pas ne pas prêter attention à la lettre de saint Jacques, qui affirme que l’homme n’est pas sauvé par la foi seule, mais aussi par les œuvres. A première vue, il semble y avoir contradiction entre les deux textes, l’épître de Paul aux Galates et l’épître de Jacques.
Afin de comprendre le sens des épîtres de saint Paul, il faut savoir pourquoi elles ont été écrites et à qui elles étaient destinées. Dans ses épîtres, saint Paul accorde une grande attention aux questions qui se posaient à chaque Église en particulier. L’une de ces questions était : faut-il adopter la loi de Moïse dans toute sa plénitude afin de devenir chrétien ? Par exemple, les hommes doivent-ils subir la circoncision et observer les rites du judaïsme ? Cette question était très importante dans l’Église primitive, c’est elle qui incita les apôtres à convoquer le Concile de Jérusalem. Sous l’influence de Paul, les apôtres décrétèrent que les païens convertis au Christ ne devaient pas être circoncis, ni adopter les rites juifs.
Lorsque saint Paul affirme, à la suite du Seigneur Jésus Christ, que l’homme est sauvé par la foi seule, et non par les œuvres de la loi, il pense avant tout aux usages distinguant les juifs des non juifs, les représentants du peuple élu des autres peuples. Il s’agit avant tout de la circoncision, mais aussi de l’observance des jeûnes et des fêtes judaïques, ainsi que d’autres rites. L’apôtre Paul dit que l’homme ne se sauve pas par les œuvres de la loi, ce qui veut dire qu’il n’est pas sauvé par les rites juifs : la circoncision, l’observance du sabbat, les fêtes juives, mais par la foi en Jésus Christ. S’il y a la foi, le reste suivra. Telle fut la doctrine de l’Église dès son origine, doctrine qu’elle continue à enseigner aujourd’hui : afin de devenir chrétien, il faut croire au Seigneur Jésus Christ, le reconnaître pour Dieu et Sauveur ; le reste, l’Église le prépare pour nous. C’est pourquoi Paul affirme que l’homme est sauvé par le foi, et non par les œuvres de la loi.
Les épîtres de saint Paul ont toujours été difficilement accessibles, elles ont suscité de nombreuses controverses dès l’époque à laquelle elles furent rédigées. Saint Pierre, se référant à Paul, dit que certaines de ses lettres sont difficiles à comprendre, qu’il s’y rencontre des passages obscurs (II P 3, 16), dont les gens sans instruction peuvent détourner le sens. Pour ne pas déformer le sens des lettres de saint Paul, et ne pas en tirer de fausses conclusions, en affirmant, par exemple, que la foi seule suffit au salut, sans qu’elle soit confirmée par les œuvres, l’apôtre Jacques écrit que la vraie foi doit s’exprimer par des œuvres de miséricorde et de charité chrétienne. « A quoi cela sert-il, mes frères, que quelqu’un dise : « J’ai la foi », s’il n’a pas les œuvres ? La foi peut-elle le sauver ? » (Jc 2, 14). Si tu dis aimer Dieu, mais n’aime pas ton prochain, de quel amour s’agit-il ? C’est ce qu’enseignait l’Église dès les débuts, expliquant aux fidèles ce qu’était la foi et quel était son rapport avec les œuvres.
Lorsque nous venons à l’église, impliquons-nous à être attentifs aux épîtres catholiques, aux lettres de saint Paul, autant qu’aux lectures de l’Évangile. Si le sens des textes en slavon nous échappe, préparons-nous à l’office : ouvrons chez nous le calendrier, voyons quels passages seront lus le lendemain à l’église, lisons ces fragments. Ainsi, nous écouterons avec plus d’attention la Parole de Dieu pendant la Divine liturgie, et serons plus attentifs aux paroles de l’apôtre et de l’évangéliste. «J’aime mieux dire cinq paroles avec mon intelligence, pour instruire aussi les autres, que dix mille en langues » (I Cor 14, 19) écrit l’apôtre Paul. C’est ainsi que nous devons approcher les prières et les lectures de l’office divin. Mieux vaut comprendre cinq mots qu’en entendre mille sans les comprendre.
Que la participation à l’office divin devienne école de théologie, nous apprenne à penser en Dieu, que les paroles des saints évangélistes et des saints apôtres nous guident sur la voie par laquelle le Seigneur nous conduit au Royaume des cieux. Amen. »