EN LA FETE DES NOUVEAUX MARTYRS ET CONFESSEURS RUSSES, LE PATRIARCHE CYRILLE A CELEBRE LA LITURGIE A L’EGLISE DU CHRIST SAUVEUR
Le 5 février 2017, dimanche du publicain et du pécheur, fête des nouveaux martyrs et confesseurs de l’Église russe, S. S. le Patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie a célébré la Divine liturgie à la cathédrale du Christ Sauveur.
Sa Sainteté concélébrait avec le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, le métropolite Innocent de Vilnius et de Lituanie, l’archevêque Eugène de Vereïa, président du Comité pédagogique de l’Église orthodoxe russe et recteur de l’Académie de théologie de Moscou, l’évêque Alexandre de Daugavpils, l’évêque Lazare de Narva, l’évêque Antoine de Bogorodsk, responsable de la Direction des établissements du Patriarcat de Moscou à l’étranger, l’évêque Paramon de Bronnitsa, supérieur du monastère du Don, l’évêque Irénée de Sacramento, vicaire du diocèse d’Amérique de l’Ouest, l’archiprêtre Vladimir Divakov, secrétaire du Patriarcat de Moscou pour la ville de Moscou, l’archiprêtre Mikhaïl Riazantsev, recteur de l’église du Christ Sauveur, l’archiprêtre Nicolas Balachov, vice-président du DREE, l’archimandrite Tikhon (Sekretariev), recteur du monastère de la Dormition des Grottes de Pskov, l’archiprêtre Nicolas Sokolov, recteur de l’église Saint-Nicolas, dépendant de la galerie Tretiakov, l’archiprêtre Dimitri Rochtchine, du Département synodal aux relations de l’Église avec la société et les médias, ainsi que de nombreux clercs de la ville de Moscou.
Plusieurs personnalités officielles assistaient à la liturgie, chantée par le chœur patriarcal de l’église du Christ Sauveur.
Après la litanie instante, le Primat de l’Église orthodoxe russe a prononcé une prière pour la paix en Ukraine, avant de prier pour le repos de l’âme de toutes les victimes des persécutions contre l’Église durant les décennies de pouvoir athée.
Après la liturgie, le Patriarche Cyrille a célébré un office de requiem à leur intention et chanté une prière aux nouveaux martyrs et confesseurs russes. Après quoi, Sa Sainteté a prononcé une homélie.
« Ce jour est un jour particulier : c’est le premier dimanche de la préparation au Grand Carême. Il coïncide cette année avec le dimanche où l’Église célèbre les martyrs et les confesseurs russes du XX siècle.
Il y a eu des persécutions contre l’Église depuis les débuts de son histoire, depuis les premiers jours de la communauté chrétienne de Jérusalem. Ceux qui confessaient le Christ Seigneur et Sauveur étaient lapidés, excommuniés, poursuivis jusqu’aux confins de la terre. Le simple fait que tous les apôtres, en dehors de l’évangéliste Jean le Théologien, ont été victimes des persécutions en dit assez long ! Pourquoi éliminait-on les disciples du Christ ? Parce qu’il semblait à beaucoup que le christianisme menaçait leurs croyances et leurs objectifs religieux. C’est ce que pensaient les juifs, c’est ce que pensaient les païens, et l’État romain a été amené à se poser la question : le christianisme ne menacerait-t-il pas l’intégrité, la prospérité et la cohésion du grand empire ? Tant que certains empereurs ont pensé que les chrétiens étaient une menace, ils ont poursuivis leurs terribles persécutions, jusqu’au début du IVe siècle. Presque chaque jour nous faisons mémoire des martyrs et des confesseurs de l’époque de ces persécutions romaines, qui se sont abattues sur l’Église et sur les chrétiens soi-disant au nom de la défense des intérêts de l’Empire.
C’est seulement à notre époque, sans doute, qu’est apparue une nouvelle motivation pour persécuter. Mus par des convictions philosophiques ou, pour mieux dire, par des fantaisies, ceux qui sont arrivés au pouvoir ont ressenti le christianisme comme un danger idéologique, car la prédication du Christ élevait l’homme au-dessus des luttes du présent, le tirant du contexte des passions humaines et empêchant donc de manipuler les consciences pour atteindre des buts idéologiques concrets. Pourtant, personne n’a jamais formulé les véritables raisons de ces persécutions comme nous pouvons le faire maintenant. On donnait alors une raison simple : la foi chrétienne gêne le progrès, elle gêne le développement de l’instruction et des sciences, elle est donc un obstacle au bonheur. Pour que les gens soient heureux, il fallait tuer les chrétiens, fermer leurs églises et bâtir l’état sur des principes sans aucun rapport avec la morale chrétienne. Ces intentions diaboliques ont été importées dans les consciences de nos élites et même au sein du peuple, et les persécutions contre l’Église russe se sont déchaînées pour – voyez-vous cela – rapprocher « l’avenir radieux » ! Les chrétiens gênaient cet « avenir radieux » bien que personne ne se soit prononcé ouvertement contre le nouveau régime politique, ils ne faisaient que confesser honnêtement leur foi. Lorsqu’on exigeait d’eux un reniement, ils répondaient qu’ils ne pouvaient pas, qu’ils étaient prêts à mourir pour le Christ. Des centaines de milliers de personnes, sans doute plus que dans l’Empire romain, ont été tuées. C’est notre peuple, ses meilleurs représentants, qui gênaient soi-disant la construction de l’avenir radieux. En traversant les épreuves et les souffrances du XX siècles, les afflictions de la guerre et les immenses pertes, terrible châtiment pour toutes ces diableries, notre peuple a commencé à sortir peu à peu de captivité.
Nous pouvons en parler ouvertement, aujourd’hui, sans craindre personne, et poser des questions très importantes. La plus importante étant peut-être : y a-t-il quelque chose dans ce monde, en particulier en relation avec la prospérité et le bien-être, qui justifie qu’on tue un homme ? Aujourd’hui encore nous sommes témoins des fols agissements de ceux qui éliminent leurs concurrents, c’est toujours le même moyen utilisé pour dégager la voie vers « l’avenir radieux », pour devenir plus puissant, plus riche, avoir plus de pouvoir. L’expérience de l’histoire chrétienne nous apprend qu’il est interdit de suivre cette voie. Bien plus, que c’est une impasse. Les empereurs romains, Néron, le grand Trajan, Dioclétien, pouvaient-ils croire que l’infrastructure de ce puissant empire, avec sa jurisprudence, son armée, sa discipline, son système monétaire, son système de transports, qui lui permettaient d’asseoir leur puissance sur toute la Méditerranée serait pourtant incapable de détruire la foi chrétienne ? Ils se sont tous cruellement trompés. Ils sont restés dans l’histoire comme des persécuteurs, comme des hommes cruels, tandis que la foi chrétienne est toujours là. De la même façon, les persécuteurs en Europe occidentale ont de leur temps aussi détruit les églises et les monastères, supposant que la culture politique et la philosophie politique excluant Dieu et appelant à la lutte contre la religion permettrait de construire une société prospère et d’éradiquer la foi chrétienne. Ils n’y sont pas parvenus.
Mais l’exemple le plus frappant d’échec total des persécutions est celui de notre Église et de notre pays. Pourquoi ? Aujourd’hui, nous avons lu à la Liturgie un passage de l’épître de saint Paul aux Romains, où il se dit certain que ni mort, ni vie, ni anges, ni principautés, ni présent, ni avenir, ni puissances, ni hauteur, ni profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rom 8, 38-39). C’est ce qu’ignoraient les persécuteurs. Ils ignoraient que la puissance divine demeurait sur ces faibles, soumis à la puissance de la contrainte exercée par l’état. Sans renoncer au Christ, sans trahir leurs intérêts, ces gens défendaient le Christ, et il les a défendus, et ils sont tous dans son Royaume. (…) Aujourd’hui, au centre de Moscou, dans cette cathédrale du Christ Sauveur, relevée de ses ruines, et qui est elle-même le symbole de la renaissance de la foi de la Sainte Russie, nous élevons nos prières vers les nouveaux-martyrs et confesseurs de l’Église russe, emplis de reconnaissance envers Dieu, car leur exploit a confirmé notre peuple dans sa foi. Nous savons que ces nouveaux-martyrs et confesseurs prient pour nous, pour notre Église. Cet élan spirituel et matériel, que nous voyons aujourd’hui, malgré les difficultés, n’est-il pas la réponse de Dieu à cet exploit, à ce sacrifice et à la prière que font monter vers Son saint trône nos martyrs et nos confesseurs… ?
Nous sommes entrés dans une année de commémoration des évènements d’il y a cent ans. Dieu fasse que ces commémorations et ces réflexions sur la tragédie de notre peuple nous aident à nous libérer définitivement des tentations et des séductions qui poussent les hommes à accomplir le pire, soi-disant au nom de la prospérité… »
Ensuite, Sa Sainteté a décoré plusieurs personnalités.