Les membres du Saint-Synode ont rencontré le président biélorusse
Le 15 octobre 2018, à la Grande salle du Palais de l’Indépendance de Minsk, le patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie et les membres du Saint-Synode de l’Église orthodoxe russe ont été reçus par le président de la République du Bélarus, Alexandre Loukachenko.
Le métropolite Philarète (Vakhroméiév), exarque émérite de toute la Biélorussie, prenait part à la rencontre, à laquelle participaient aussi le chef de l’administration présidentielle biélorusse, le premier ministre et le ministre chargé des affaires des religions et des nationalités.
Le président de la Biélorussie a prononcé un discours à l’adresse des membres du Saint-Synode, leur souhaitant la bienvenue et les remerciant d’avoir choisi la capitale biélorusse pour leur réunion ordinaire. Il s’est aussi adressé personnellement à Sa Sainteté, disant hautement apprécier sa sollicitude et ses attentions envers la Biélorussie.
« Depuis son indépendance, la Biélorussie a parcouru un long et épineux chemin avec l’Église orthodoxe pour consolider les valeurs spirituelles, montrer à la société quels doivent être ses repères moraux dans la vie. Notre époque tendue, pleine de bouleversements rapides, nous pose de nouveaux objectifs et nous met sans cesse à l’épreuve. Le XX siècle est une époque de transformations globales. C’est l’époque des technologies de pointe, avec leurs infinies possibilités. Mais cette infinité même est souvent, malheureusement, la source de nombreuses menaces, tant politiques que spirituelles. Nous venons d’en parler longuement... avec notre patriarche. ...Au nom de la prétendue démocratie des valeurs comme la défense des droits et des libertés des citoyens sont remplacées, volontairement ou non, par la permissivité, la négation de nos valeurs morales. Le résultat en est l’isolement, l’indifférence, l’intolérance qui engendrent l’hostilité entre nationalités et entre confessions religieuses. Les débats et les divergences dégénèrent en méfiance mutuelle, en confrontation informationelle, en guerres du commerce, en conflits armés... y compris à proximité immédiate de la Biélorussie. Cependant, on ne sait pas toujours répondre à la question du retour à la paix, que posent ceux qui se trouvent involontairement à l’épicentre de ces évènements. Cette question est pourtant d’actualité pour tous...
La Biélorussie se souvient encore des tragiques leçons de son histoire. C’est pourquoi nous apprécions la paix, la sécurité, l’amitié et la compréhension mutuelle, nous sommes pour le dialogue, la coopération et l’interaction des états et des nations. Nos initiatives visent à défendre et à sauvegarder les valeurs traditionnelles... Le processus de Minsk, les accords de Minsk, qui ont été signés dans ces murs, ont été la carte de visite de la Biélorussie, espace de négociations dans le conflit en Ukraine. Nous sommes voisins, frères slaves. Nous ferons notre possible pour que la paix et la concorde reviennent au plus tôt en Ukraine. Le schisme, ce n’est pas pour nous, et nous ferons tout ce que nous pouvons, j’en suis certain.
Le temps est le meilleur médecin et le meilleur juge. Nous serons ensemble, parce qu’il est impossible de nous séparer. En Europe, les gens sont de plus en plus demandeurs de mesures consolidant la confiance, la sécurité et la coopération. Le temps est venu de revenir à la meilleure expérience de l’histoire mondiale, au processus d’Helsinki, du siècle dernier. Nous avons parlé de cette initiative à la session de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE, à Minsk. La position de la Biélorussie sur la solution aux divergences dans les espaces européens et eurasiens reste inchangée. Je suis profondément convaincu que la voix de l’Église est l’une des plus puissantes et des plus influentes, et qu’elle doit se faire entendre à l’unisson de la voix de l’état. Dans la lutte contre les tendances destructives de la modernité, l’état et l’Église ont beaucoup de points communs. Les principaux d’entre eux étant la consolidation des repères chrétiens, de la paix entre nations, du dialogue interconfessionnel, du bon voisinage entre religions, de la défense de la famille en tant qu’institut, du respect des parents, de la charité, de l’éducation au patriotisme, du respect de l’histoire, de la langue, de la culture, du travail. Ce sont les valeurs de base, propres aussi bien à l’Orthodoxie qu’au catholicisme, au judaïsme, à l’islam. C’est pourquoi la concorde entre représentants des religions traditionnelles est fondamentale dans notre pays. Réunis autour des repères spirituels et moraux, l’état et les confessions montrent l’exemple d’une société organique. Notre unité est notre meilleure défense contre les menaces externes et internes. Je suis convaincu qu’il sera possible, grâce aux efforts communs, de trouver de nouvelles solutions pour répondre aux défis de la modernité. »
Le président biélorusse a présenté ses bons vœux au patriarche et aux membres du Synode, avant de poursuivre : « J’ai dit au patriarche qu’il vous faut souvent résoudre des problèmes causés par les actes des hommes politiques. Nous accélérons ou nous suscitons des processus négatifs. Il est temps pour nous de nous excuser devant vous, pour ce qui se passe dans le monde orthodoxe aujourd’hui. Mais je dois vous en assurer : même si la situation s’échauffe, nous ferons tout pour qu’il n’y ait jamais de confrontations dans la pacifique et tranquille Biélorussie, ni entre religions, ni, à Dieu ne plaise, entre nous, orthodoxes. Nous ferons tout pour consolider notre état, notre nation dans la foi orthodoxe. J’en suis sûr : nous ferons tout pour préserver notre unité. »
Le patriarche Cyrille a ensuite pris la parole, remerciant le président de son discours. Il a souligné le rôle particulier de la Biélorussie et de l’Église orthodoxe biélorusse.
« Vous avez eu raison de commencer votre allocution en parlant des fondements moraux de l’existence. La moralité, c’est ce qui règle la conduite. Les gens peuvent connaître ou ne pas connaître les lois, mais même ceux qui ne connaissent pas les lois peuvent, néanmoins, agir suivant leur conscience. Qu’est-ce que cela signifie ? Que la loi morale a été donnée par Dieu, et qu’aucune théorie de l’évolution ne peut expliquer ce fait... L’homme écoute la voix de sa conscience, régulateur de sa conduite. Comme il est important que la législation soit organiquement liée aux bases morales, lorsque les lois découlent de la loi morale divine, de la loi de la conscience !
La Biélorussie est en plein développement. Le développement économique, la stabilité intérieure, l’autorité au niveau international sont pour beaucoup le fruit du soutien de la nation à l’état, du haut niveau de cohésion de la société. Mais cela serait impossible si les lois de la république, si la politique de l’état allait à l’encontre des bases morales dont nous venons de parler. Le peuple juge, en effet, ses dirigeants, avant tout selon la justice de leurs actes, suivant qu’ils répondent ou non aux attentes des gens.
(...) Nous avons parlé de bien des thèmes. J’ai la profonde satisfaction de témoigner que nos vues concordent sur les sujets les plus importants... Cela veut dire que l’Église, liée au peuple, ne peut pas penser autrement que le peuple. L’Église a le devoir d’enseigner, mais elle appuie aussi son action sur les attentes du peuple... Tout état sensé agit de même, et, lorsque la position de l’Église et celle de l’état concordent, nous parlons de coopération harmonieuse, symphonique entre l’Église et l’état.
Le long entretien qui a eu lieu aujourd’hui entre le patriarche et le président de la République du Bélarus A. Loukachenko répond justement aux critères renvoyant au terme de « coopération symphonique ». Je pense que cela est très profitable aux deux côtés, et peut servir au bien de notre Église et de nos peuples. »
Le patriarche a ensuite remercié le président de ses attentions envers l’Église biélorusse. « Nous prierons pour que le Seigneur vous affermisse dans votre ministère présidentiel, pour que le Seigneur vous donne une bonne santé... Dieu fasse que la Biélorussie reste un facteur de paix et de stabilité dans l’espace post-soviétique. »
Ensuite, le métropolite Paul de Minsk et de Zaslavl, exarque patriarcal de toute la Biélorussie, a parlé à l’assemblée de la fin des travaux de la commission, qui a œuvré durant 25 ans à la traduction du Nouveau Testament. La commission, qui rassemblait des ecclésiastiques et des spécialistes, a effectué cette traduction en biélorusse moderne depuis le grec ancien. A la fin de son allocution, le métropolite a présenté la traduction de l’Évangile en biélorusse. Un exemplaire a été offert au président Loukachenko.