Déclaration du Saint-Synode de l’Église orthodoxe ukrainienne sur la situation de l’Orthodoxie ukrainienne et mondiale
Le Saint-Synode de l’Église orthodoxe ukrainienne, pendant sa réunion du 3 avril 2019, a discuté de la situation de l’Orthodoxie en Ukraine et dans le monde depuis l’octroi anti-canonique de l’autocéphalie à la nouvelle « Église orthodoxe d’Ukraine » par le Patriarcat de Constantinople. La déclaration suivante a été publiée :
- Nous constatons que l’idée de surmonter le schisme ecclésiastique en Ukraine en octroyant un Tomos d’autocéphalie à des groupes ecclésiaux non canoniques (« EOU-PK », « EOAU ») s’est révélée une erreur. Aucune Église orthodoxe locale n’a reconnu cet acte illégitime du Patriarcat de Constantinople, et une grande partie des Églises locales, notamment les Églises antiochienne, russe, serbe, chypriote, albanaise, polonaise et des terres tchèques et de Slovaquie, ont déjà exprimé, sous différentes formes, leur désaccord avec les décisions du Patriarcat de Constantinople. Les Églises locales ont aussi déclaré qu’elles ne reconnaissaient pas « l’Église orthodoxe d’Ukraine » nouvellement fondée, qu’elles ne reconnaissaient pas la validité des ordinations dans cette structure, et qu’elles interdisaient à leur clergé toute prière commune et toute concélébration liturgique avec ses représentants. Ainsi, la réception, c’est-à-dire l’acceptation par l’Orthodoxie mondiale, des mesures prises par le Patriarcat de Constantinople, qui, dans les faits, a tenté de légaliser le schisme, n’a pas eu lieu. Par conséquent, la légalisation du schisme n’est pas la voie qui permettra de rétablir l’unité ecclésiale. Rappelons que, suivant la tradition historique et canonique de l’Église, l’autocéphalie n’est octroyée qu’à une Église unie dans le cadre d’un état concret, et non pas à un groupe s’étant détaché du Corps de l’Église. »
- Il faut reconnaître comme infondée, artificielle, fallacieuse et contraire aux canons l’argumentation historique et canonique présentée par le Patriarcat de Constantinople concernant ses propres droits et sa capacité à intervenir dans les affaires des autres Églises locales. De fait, le Patriarcat de Constantinople n’avait nullement le droit de s’immiscer dans la vie ecclésiastique en Ukraine. Les actes et l’argumentation du Patriarcat de Constantinople, qui a illégalement levé l’anathème du principe coupable du schisme ukrainien, Philarète Denissenko, et a reconnu la hiérarchie de « l’EOAU », totalement en dehors de la succession apostolique, témoigne qu’on comprend mal, au Phanar, l’essence de ce qui s’est passé et de ce qui se passe dans le monde orthodoxe en Ukraine. En réalité, Philarète Denissenko n’a pas été anathématisé parce qu’il aspirait à l’autocéphalie, comme on l’affirme au Patriarcat de Constantinople, mais parce qu’il menait une vie amorale, parce qu’il ne s’est pas repenti du grave péché d’initiation d’un schisme, parce qu’il a créé une hiérarchie schismatique parallèle et une structure quasi-ecclésiale, laquelle, depuis le début de son existence, a lutté, et continue à lutter sous un autre nom, contre l’Église orthodoxe canonique, et menace même à présent de détruire l’unité entre les Églises orthodoxes locales.
- Il convient de constater que les actes du Patriarcat de Constantinople en Ukraine ont causé de sérieux dommages à l’Orthodoxie ukrainienne, en même temps qu’ils sont une menace pour l’unité panorthodoxe. Nous estimons que le Patriarcat de Constantinople et le patriarche Bartholomée personnellement, doivent reconnaître leur erreur et travailler à la rectifier. Le moyen de corriger cette erreur pourrait être de rappeler le Tomos, d’appeler les schismatiques à se repentir d’avoir initié un schisme, et de convoquer une assemblée panorthodoxe pour trouver une solution collégiale à la question ukrainienne.
- La réalité du quotidien ecclésial en Ukraine montre que le Tomos n’a apporté aux chrétiens orthodoxes ni l’unité, ni la paix, ni la tranquilité, comme le promettaient il y a un an les promoteurs de cette idée, tant ceux des milieux ecclésiastiques que des milieux gouvernementaux. Au lieu de quoi, les fruits du Tomos ont été la violence, les conflits, l’opposition, les larmes et les souffrances des croyants de l’Église orthodoxe ukrainienne. Tous ces faits témoignent que la simple légalisation du schisme ne change pas les schismatiques, qui restent hostiles et agressifs envers l’Église. Seule le repentir et la reconnaissance sincère de leurs torts envers l’Église, le retour des schismatiques en son sein, peuvent apporter la paix et l’unité dans la vie ecclésiale de l’Ukraine.
- La violence, la discrimination et les violations des droits des fidèles de l’Église orthodoxe ukrainienne ont déjà attiré l’attention des organisations internationales de défense des droits de l’homme. Ces enfreintes à la législation, qui sont souvent soutenues par les représentants des autorités locales, compromettent notre pays dans le monde. La violence, les usurpations d’églises et les actes illégaux ne mèneront pas à l’unité de l’Église en Ukraine. C’est une voie sans issue, et il faut avoir le courage de reconnaître cette erreur. Nous demandons avec respect aux représentants des autorités en exercice de cesser d’initier le changement de juridiction de nos paroisses, car ni notre clergé, ni nos paroissiens ne le souhaitent. Nous estimons que la campagne de discrimination de l’Église orthodoxe ukrainienne, l’interdiction de la présence d’aumôniers de notre Église dans l’armée, les tentatives de modifier par la contrainte la dénomination de notre Église, et les autres actes anticléricaux de même nature dirigés contre notre Église, sont une erreur stratégique commise par l’état dans le domaine de la politique intérieure, mettant en danger la stabilité de l’état.
- La procédure judiciaire intentée à l’archiprêtre Victor Zemlianoï, clerc du diocèse de Rovno de l’Église orthodoxe ukrainienne, suscite une inquiétude particulière. Pour la première fois depuis l’indépendance de l’Ukraine, un prêtre défendant les droits des fidèles et la liberté de confession religieuse, est appelé sans fondement à répondre devant un tribunal, accusé d’incitation à la haine religieuse.
- Nous demandons aux autorités de ne pas s’immiscer dans les affaires de l’Église, de ne pas inciter à la haine religieuse par ses actions, à annuler les exigences de la loi n°2673-VIII du 17.01.2019 sur le changement de dénomination de l’Église orthodoxe ukrainienne, comme étant anticonstitutionnelle et contredisant les normes de la législation ukrainienne et internationale, ainsi que les principes fondamentaux des droits et des libertés de l’homme. Nous leur demandons aussi de ne pas favoriser les usurpations violentes des paroisses de notre Église par leur réenregistrement illégal. Le Seigneur ne donne pas autorité aux dirigeants pour qu’ils sèment la discorde dans la société, mais pour qu’ils préservent la paix, la tranquilité et la concorde entre tous les citoyens.
- Nous nous adressons aux représentants de la nouvelle structure « Église orthodoxe d’Ukraine », les appeler à se souvenir des paroles du Christ sur l’amour du prochain, qui permet de reconnaître les disciples du Christ (cf Jn 13,35). Plus vous manifesterez de violence envers nos fidèles aujourd’hui, plus s’éloignera la perspective de restauration de l’unité ecclésiale en Ukraine. Nous supportons avec patience, chrétiennement, le fait que vous usurpiez nos églises avec la contribution des autorités politiques, gouvernementales et, parfois, paramilitaires, que vous mettiez nos communautés à la rue, en conséquence de quoi elles sont forcées de prier à ciel ouvert ou dans des bâtiments non adaptés. « Injuriés, nous bénissons ; persécutés, nous supportons ; calomniés, nous parlons avec bonté » (I Co 4,12-13). Patiemment, humblement, nous prions et nous attendons le jour où la charité chrétienne vaincra la haine, la méchanceté et l’hostilité, et où nous pourrons vous accueillir au seuil de l’Église, vous étreignant comme des frères et des sœurs revenus à la maison.
- Nous exprimons notre gratitude à celles des Églises orthodoxes locales qui se sont déjà prononcées pour soutenir l’ordre canonique, et n’ont pas approuvé la légalisation du schisme. Nous remercions aussi les prêtres et les fidèles qui, ayant perdu leurs églises, saisies par la violence, sont restés fidèles à l’Église. Nous appelons le clergé et les fidèles de l’Église orthodoxe ukrainienne à aider et à soutenir les prêtres et les communautés qui n’ont plus d’églises, nous souvenant des mots de l’apôtre Paul : « Portez les fardeaux les uns des autres, et vous accomplirez ainsi la loi du Christ » (Ga 6,2).
- En ces jours salutaires du Grand Carême, dont nous avons déjà parcouru la moitié vers la grande fête de la Sainte Résurrection du Christ, nous demandons à tous de prier pour que le Seigneur garde l’unité de la Sainte Orthodoxie, qu’il nous affermisse dans la défense indéfectible de la Divine Vérité, qu’Il donne la paix, le calme et la concorde à notre état ukrainien et qu’Il nous bénisse tous.