Le premier ministre irakien : « Sans les chrétiens, l’Irak n’est pas l’Irak »

Le souci des chrétiens d’Irak et du Proche-Orient en général est, historiquement parlant, l’un des principaux vecteurs de la politique étrangère du Patriarcat de Moscou. Les liens très anciens entre la Rus’ et la région biblique, le soutien aux frères qui souffrent, la sollicitude envers les lieux saints justifient ses efforts.
Les relations actuelles de l’Église orthodoxe russe avec les chrétiens d’Irak ont repris depuis le voyage en Irak du métropolite Cyrille de Smolensk et de Kaliningrad (aujourd’hui patriarche de Moscou et de toutes les Russies), en mars 2002. Il avait rencontré les dirigeants politiques, ainsi que les leaders des communautés chrétiennes et musulmanes du pays, visité Bagdad et Mossoul, l’antique Ninive, pas encore détruite par les terroristes. Sa Sainteté avait déjà exprimé à l’époque son inquiétude de la situation humanitaire en Irak et de la situation des chrétiens irakiens. Il avait invité à lever les sanctions, et à ne pas laisser le pays sombrer dans le chaos.
Peu après, l’Irak fut victime d’une agression militaire sans précédent, qui causa la fuite de millions de personnes. Avant 2003, plus d’un million et demi de chrétiens peuplaient l’Irak. Suivant différentes estimations, leur nombre a été divisé par dix, se réduisant aujourd’hui à 150 000 personnes. Pour cette raison, ces dernières années, les représentants de l’Église orthodoxe russe évoquent la situation des chrétiens en Irak, l’antique Mésopotamie, à tous les niveaux diplomatiques, ainsi que dans leurs dialogues avec l’Église catholique romaine et les Églises protestantes ou les organisations interchrétiennes. Les représentants du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou sont en contact permanent avec les représentants de toutes les communautés chrétiennes d’Irak.
Le Patriarcat de Moscou entretient des relations particulièrement étroites avec la plus ancienne Église de Mésopotamie, l’Église assyrienne de l’Orient. Ces trente dernières années, ses hiérarques et ses clercs ont effectué de nombreuses visites en Russie, tant dans le cadre de visites officielles à l’Église orthodoxe russe, que pour visiter leurs fidèles. Une diaspora assyrienne existe, en effet, en Russie au moins depuis le XIXe siècle. Elle est particulièrement représentée dans les régions de Moscou et de Rostov, et dans le kraï de Krasnodar. Le territoire de la Russie relève d’une des principales unités administratives de l’Église assyrienne de l’Orient, le diocèse de tout l’Irak et de la CEI, ce qui crée de nouveaux liens entre les Russes et Irakiens. L’église Mat-Mariam de l’Église assyrienne de l’Orient, construite avec l’aide de l’Église orthodoxe russe, est le symbole visible de la présence du christianisme de la Mésopotamie à Moscou.
Du 26 mai au 9 juin 2014, le patriarche-catholicos de l’Église assyrienne de l’Orient, Mar Dinkha IV, a effectué une visite historique en Russie. Suivant les accords passés lors de sa rencontre avec Sa Sainteté le patriarche Cyrille, une Commission pour le dialogue entre l’Église orthodoxe russe et l’Église assyrienne de l’Orient a été constituée (une décision officiellement ratifiée par le Saint-Synode en octobre 2015). Quatre réunions de cette Commission ont eu lieu depuis. L’interaction bilatérale se développe dans tous les domaines concernés par la coopération interecclésiale.
La hiérarchie de l’Église orthodoxe russe pose la question du soutien aux chrétiens d’Irak dans ses contacts avec les représentants des autres religions et de l’autorité civile de ce pays. Ainsi, le 8 acril 2015, le métropolite Hilarion de Volokolamsk a rencontré le président de la Chambre des députés, Salim Abdullah al-Jabouri et une délégation de parlementaires irakiens. Le président du DREE a exprimé son inquiétude de la situation difficile des chrétiens d’Irak. Il a particulièrement insistué sur les méfaits de « l’état islamiste », qui, à cette époque, s’attaquait sauvagement aux populations civiles.
Le 26 février 2015, le métropolite Hilarion de Volokolamsk a rencontré le député du Parlement de la République d’Irak, Junadam Kanna, représentant de la coalition chrétienne au Parlement irakien. Celui-ci a souligné le rôle de la Russie et de l’Église orthodoxe russe dans les processus de pacification dans le monde contemporain. Les chrétiens du Proche-Orient, a-t-il ajouté, attendent beaucoup d’eux. Le métropolite Hilarion a détaillé les efforts entrepris par l’Église orthodoxe russe pour défendre les chrétiens du Proche-Orient, y compris son action humanitaire, assurant que ces efforts seraient poursuivis.
Le 10 octobre 2018, au VI Congrès des leaders mondiaux et des religions traditionnelles, à Astana, le métropolite Hilarion déclarait : « Depuis cette tribune, je tiens à appeler tous les participants à notre forum à coordonner leurs efforts en faveur de la restauration de la Syrie et de l’Irak après la guerre. Ces pays, gardiens d’un patrimoine religieux et culturel remontant à la plus haute antiquité, ont particulièrement souffert des terroristes : des centaines d’églises et de mosquées ont été détruites, des milliers de personnes n’ont plus de toit, sont privées de nourriture, les hôpitaux et les écoles ont été détruits. Pour revenir à leur pays natal, ils ont besoin de garanties de sécurité, ils veulent être sûrs de trouver un travail, une infrastructure sociale. »
En mars 2018, avec la bénédiction de Sa Sainteté le patriarche Cyrille de Moscou et de toutes les Russies, à la demande du métropolite Hilarion de Volokolamsk, le hiéromoine Stéphane (Igoumnov), secrétaire du DREE chargé des relations interchrétiennes, s’est rendu à Bagdad et en région autonome kurde. Le chorévêque de l’Église assyrienne de l’Orient en Russie, Samano Odicho, prenait part au voyage, dont l’objet était de consulter les dirigeants des communautés religieuses et les représentants des autorités civiles de l’Irak sur les besoins, pour établir des relations et mettre en place une aide aux Irakiens en détresse.
Des rencontres avaient eu lieu avec les dirigeants de l’Irak et de la Région autonome kurde, avec les primats des Églises assyrienne de l’Orient, catholique chaldéenne, catholique syriaque, avec la direction de la communauté syriaque orthodoxe d’Irak, avec l’oumma chiïte et le Conseil spirituel des Yazidis.
La rencontre avec la délégation du Conseil des leaders des Églises chrétiennes d’Irak, à Bagdad, a eu une importance particulière. Les délégués ont décrit les malheurs des chrétiens d’Irak, conséquence du chaos ayant suivi l’intervention militaire et les attaques des terroristes. Les hiérarques ont souligné que la politique des pays occidentaux n’a rien apporté à leur pays, et que les chrétiens et d’autres minorités ethnoreligieuses d’Irak regardent vers la Russie et l’Église orthodoxe russe avec beaucoup d’espoir. Les participants à la rencontre ont prié la délégation russe de transmettre leur profonde reconnaissance au patriarche Cyrille, pour la sollicitude dont il fait preuve envers eux, ainsi qu’au métropolite Hilarion de Volokolamsk, qui défend partout dans le monde les droits des chrétiens persécutés.
Du 21 au 28 novembre 2018, une délégation du Conseil des leaders des églises chrétiennes d’Irak a rendu sa visite à la délégation russe. Le groupe irakien se composait de représentants de toutes les communautés chrétiennes antiques d’Irak. Les membres de la délégation ont rencontré des représentants des autorités russes, et pris part à la table ronde organisée par la DREE sur « la situation des communautés religieuses en Irak ».
Sa Sainteté le patriarche Cyrille de Moscou et de toutes les Russies a assuré les délégués des chrétiens d’Irak que l’Église orthodoxe russe poursuivrait ses efforts pour défendre la population chrétienne de leur pays. Le patriarche s’est dit fortement préoccupé de la destruction des sanctuaires chrétiens. « Nous sommes très touchés par ce qui se passe, notamment dans la vallée de Ninine, en Irak. Plusieurs villes chrétiennes y sont situées, dont les églises ont été détruites ou profanées. Tous ensemble, nous devons faire le nécessaire pour que les sanctuaires chrétiens du Proche-Orient soient restaurés, pour que les chrétiens reviennent en Irak, ainsi qu’en Syrie et ailleurs, là où ils vivaient, et d’où ils ont été chassés par la guerre ou par des conflits civils. »
L’Église orthodoxe russe continuera à soutenir les chrétiens d’Irak. Le Département des relations ecclésiastiques extérieures accorde beaucoup d’importance à cette partie de son travail.