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Le métropolite Hilarion : beaucoup de nos écrivain…

Le métropolite Hilarion : beaucoup de nos écrivains, compositeurs et artistes ont pris une part active à la vie de l’Église

Le 25 juin 2016, Igor Zolotousski, écrivain, critique littéraire, était l’invité du métropolite Hilarion de Volokolamsk, animateur de l’émission télévisée « L’Église et le monde » sur la chaîne de télévision « Rossia-24 ».

Le métropolite Hilarion : Chers frères et sœurs, bonjour. Vous regardez l’émission « L’Église et le monde ». Ces derniers temps, beaucoup de voix se sont élevées pour la préservation et la diffusion de la langue russe. Il y a quelques temps, une Société de littérature russe a été fondée. Lors de son inauguration, le Président Vladimir Poutine a dit que la sauvegarde de la langue russe était une question de sécurité nationale.

Nous parlerons donc aujourd’hui dans cette émission de la langue russe : qu’est-ce que la langue russe, qu’est-ce que la littérature russe, pourquoi devons-nous étudier la littérature, quelle est la place de la spiritualité dans la littérature russe. J’accueille aujourd’hui Igor Zolotousski, écrivain, critique littéraire.

Bonjour, Igor Petrovitch !

Igor Zolotousski : Bonjour, Monseigneur. Le sujet de notre discussion est certes très vaste ! Je ne peux, cependant, imaginer ma vie sans la littérature russe. J’aime la littérature russe, j’aime ses auteurs. J’estime que ce sont eux qui représentent l’idéal que la littérature russe a toujours défendu et auquel elle aspire.

Je pense que ma vie aurait été différente sans la littérature russe, de même que la vie de nombre de mes contemporains. Ma génération s’est développée grâce aux cours de littérature russe dispensés à l’école par d’excellents, de remarquables enseignants. Nous les aimions, nous avions confiance en eux. Maman me lisait « Guerre et paix » lorsque j’étais malade, et la musique de la langue, de la pensée, la musique de l’aspiration à saisir l’intérieur de l’homme résonnent encore en moi aujourd’hui.

Le métropolite Hilarion : Nous appartenons à des générations différentes, mais nous avons tous deux grandi en Russie soviétique. Je pense que ce que vous avez dit s’applique en grande partie à mon enfance et à ma jeunesse : ma maman me lisait aussi « Guerre et paix », et pas seulement « Guerre et paix ». Ma maman est écrivain. Elle m’a fait découvrir très tôt le monde de la littérature. Tout jeune, j’ai commencé à lire une littérature sérieuse. Dostoïevski, L. Tolstoï, I. Tourgueniev, N. Leskov sont des auteurs que j’ai lus et relus dès mon enfance. Les cours de littérature russe, à l’école, m’ont aussi marqué. Nous avions un excellent professeur, Albina Mouravina. Elle est toujours vivante, bien que très âgée. Elle nous parlait de la littérature russe, des écrivains, des poètes. On nous obligeait à apprendre par cœur les vers des poètes russes. Et ce que nous avons appris nous est resté pour toute la vie.

On débat aujourd’hui de la nécessité de l’enseignement de la littérature russe à l’école. Certains disent que l’enseignant doit pouvoir choisir entre littérature classique et contemporaine : étudier, mettons, « La Fille du capitaine », de Pouchkine, ou une œuvre d’un auteur moderne.

Sa Sainteté le Patriarche Cyrille a dit clairement que l’enseignement doit comporter le canon de la littérature russe, ses chefs d’œuvre, des œuvres que les élèves doivent avoir lu. Il s’agit avant tout des classiques russes, de Gogol, Dostoïevski, Tolstoï. Certes, l’enseignant doit pouvoir apporter aussi autre chose. Mais tous les élèves doivent connaître les classiques.

Igor Zolotousski : Oui, je suis d’accord avec le Patriarche. J’aimerais ajouter à ce qu’a dit Vladimir Poutine sur la sécurité nationale, que les classiques sont les « avoirs en or » de notre pays, de notre peuple et de chacun de nous. Ces avoirs en or ne sont pas enterrés quelque part loin sous la terre, ils sont accessibles à tous et enrichissent le lecteur, l’aidant à surmonter ses vices, ses péchés, ses tentations.

La littérature russe, en venant aux auditeurs, aux lecteurs, aux élèves, que ce soit à l’école ou à l’université, accomplit une œuvre pieuse. Je dois vous dire que c’est elle qui m’a amené moi en particulier, et plus généralement tant de personnes de ma génération, à la foi en Dieu. Et c’est très sérieux. Vous avez cité Nicolas Leskov, j’aime beaucoup cet auteur. Comparé à d’autres, je dirais que si Dostoïevski montrait, plus précisément, plongeait dans l’abîme du péché afin d’en tirer les gens, Leskov, lui, plongeait dans les profondeurs de la sainteté russe. Entouré des œuvres de la grande littérature russe, de ses écrivains, parmi ces livres, soumis à leur influence, je vis, peut-on dire, dans le monde de ce phénomène qu’est l’esprit russe.

Le métropolite Hilarion : Vous avez consacré de nombreuses années à étudier la vie et l’œuvre de Nicolas Gogol. Vos livres et vos émissions sur Gogol sont connus d’un grand nombre de nos téléspectateurs. Mais tous sont loin de savoir que Gogol était profondément croyant et que son œuvre compte de nombreuses pages sur le Christ, le christianisme, le rôle de l’Église dans la société de son temps. Tout le monde connaît Gogol comme l’auteur des « Âmes mortes », du « Réviseur », des « Soirées du hameau près de Dikanka », d’œuvres satiriques. Je possède chez moi les Œuvres complètes de Gogol, avec sa correspondance, éditées avec la bénédiction de Sa Sainteté le Patriarche Cyrille. Vous avez sûrement cette édition, dont la particularité tient à ce qu’elle contient les fragments expurgés à l’époque soviétique pour des raisons idéologiques. J’en ai amené ici deux tomes. La majeure partie des œuvres contenues dans ce recueil des œuvres de Gogol contient des réflexions d’ordre spirituel.

Il est très intéressant de toucher au monde de ce grand écrivain, de réfléchir à sa perception de l’Église et de la société russe. Je cite un passage de sa « Correspondance avec des amis ». Vous connaissez bien cette citation, mais peut-être tous nos téléspectateurs ne la connaissent-ils pas. Gogol parle de l’Église : « … Nous connaissons très mal notre Église. Notre clergé ne reste pas sans rien faire. Je sais bien comment, dans les profondeurs des monastères et dans le silence des cellules se préparent des œuvres irréfutables pour la défense de l’Église. Mais ils font leur œuvre mieux que nous : ils ne se pressent pas, sachant ce qu’exige cette matière, ils réalisent leur travail dans un calme profond, priant, s’éduquant eux-mêmes, chassant toute passion de leur âme qui ressemblerait à une fièvre insensée et déplacée, élevant leur âme à une hauteur d’impassibilité céleste à laquelle elle doit demeurer pour parler de cette matière ». Voilà avec quel respect Gogol parle de l’Église.

Igor Zolotousski : Gogol était profondément croyant, et il était croyant au sein de l’Église, à la différence de beaucoup d’autres qui voyaient dans la foi une affaire purement individuelle. V. Belinsli, dans une lettre à Gogol devenue célèbre, porte un jugement sévère sur le livre dont vous avez extrait cette citation. Il dit que le peuple russe ne croit pas en Dieu, que Gogol exagère, que l’Eglise russe ne représente pas l’esprit national. Il fait des remarques assez grossières sur le peuple et sur l’Église. Peu de lecteurs connaissent la réponse de Gogol. Parce que cet épisode de la lettre de Belinski est toujours présenté comme un monologue : Belinski a parlé, un point c’est tout, et il a raison pour l’éternité. Or, c’est un mensonge, car la réponse de Gogol était longue et, je dirais, très clémente à l’égard de Belinski, qui se trompait, du point de vue de Gogol, en particulier sur l’Église.

Dans ce livre, Gogol parle aussi de l’héroïsme de l’Église russe qui, par sa vie, par le sang de ses hiérarques, a maintenu l’âme du peuple russe, l’a sauvée. Et Gogol réfute le point de vue occidental violent énoncé par Belinski. Et il le réfute de tout son cœur, par l’exemple de sa vie. Il dit : « Un rayon de salut brille quelque part : la parole sainte, Dieu, l’amour. » Or, l’Église ne parle-t-elle pas de l’amour, et le Seigneur à travers elle ?

Les lecteurs de Gogol croient qu’il se moquait de l’homme, qu’il le châtiait même. N. Nekrassov écrit à son sujet : « Abreuvant sa poitrine de haine, ayant armé ses lèvres de la satire, il avance sur sa route semée d’épines avec sa lyre punissante. » Pourtant, il n’en était rien. Le rire de Gogol n’est pas là pour châtier. Le rire de Gogol est plus qu’indulgent, il est compatissant. Il veut que l’homme devienne meilleur. Et, finalement, où en vient son fameux Tchitchikov ? A Dieu. Tchitchikov se remet en route pour quêter de l’argent afin de faire construire une église.

Le métropolite Hilarion : Dans une lettre à Joukovski, Gogol parle encore une fois du rôle de l’Églsie et de l’influence de l’Europe sur la Russie. Il écrit : « Selon moi, l’idée d’introduire des innovations en Russie en contournant l’Église, sans lui demander sa bénédiction relève de la folie. Il est ridicule d’introduire des idées européennes, sans qu’elle les ait sanctifiées de la lumière du Christ. » A mon avis, ce sont des paroles prophétiques.

Igor Zolotousski : Prophétiques, et très actuelles.

Le métropolite Hilarion : J’aimerais aussi attirer l’attention sur une de ses œuvres, intitulée « Réflexion sur la Divine liturgie ». Vous avez dit que Gogol n’était pas simplement croyant, mais croyant au sein de l’Église. Qu’est-ce-que cela veut dire ? Être dans le sein de l’Église, cela signifie participer à la vie de l’Église, c’est-à-dire avant tout à la liturgie. L’exemple de nombreux écrivains, compositeurs, artistes russes montre qu’ils prenaient une part active à la vie de l’Église.

J’ai beaucoup travaillé sur l’œuvre de Tchaïkovski. En étudiant sa biographie, j’ai relu toute sa correspondance avec la baronne Von Meck. Dans ses lettres, il mentionne souvent avoir été aux vêpres hier, avoir entendu aujourd’hui la Liturgie, avoir assisté à l’office dans telle église avant-hier. Nous avons affaire à quelqu’un qui se rend souvent à l’église et entend le chant liturgique.

Gogol aussi assistait souvent à la Divine liturgie. C’est ainsi qu’il a écrit l’une des œuvres de la littérature russe consacrées à la liturgie les plus poignantes, sa « Réflexion sur la Divine liturgie ». Ce n’est pas entièrement une œuvre personnelle, il a beaucoup emprunté aux commentaires byzantins de la Liturgie, mais donnant à ces emprunts une touche personnelle. Achevant son ouvrage, il souligne que la liturgie transfigure le croyant. Gogol écrit : « L’action de la Divine liturgie sur l’âme est grande : elle s’accomplit visiblement, sous nos yeux, au vu de tout le monde, mais pourtant cachée. Si le fidèle suit chaque geste liturgique avec piété et attention, …, son âme atteint d’éminentes dispositions, les commandements du Christ lui semblent accessibles, son joug doux et son fardeau léger. En sortant de l’église où il a assistait au repas de l’amour divin, il regarder tous les âmes comme ses frères. » Voici des paroles qui témoignent d’une transfiguration intérieure. L’écrivain semble l’avoir éprouvé personnellement.

Igor Zolotousski : Oui, bien sûr. Souvenez-vous d’un des récits célèbres de Gogol, « Le Manteau », où des fonctionnaires se moquent du pauvre Bachmatchkine, c’est le nom du héros, lui jettent des papiers à la tête en disant que c’est de la « neige ». Et cet homme doux leur demande : « Pourquoi m’offensez-vous ? » Un jeune fonctionnaire, qui vient d’entrer au département, se met à trembler, parce qu’il perçoit sous cette question un autre sens : « Je suis ton frère ». Ce cri d’une âme chrétienne résonne pour la première fois dans la littérature profane, grâce à Gogol. Je pense que c’est avec Gogol que débute la christianisation de la littérature profane russe. Ce n’est pas pour rien qu’il disait que la littérature est une marche invisible vers le christianisme. On ne saurait mieux dire.

Le métropolite Hilarion : Merci, Igor Petrovitch, de cet entretien. J’espère que nous aurons l’occasion de le poursuivre dans nos prochaines émissions.

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