
Département des relations ecclésiastiques extérieures
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Le président du DREE : la politisation du Conseil œcuménique des Églises, une menace pour son avenir

Service de communication du DREE, 01.07.2025. La conférence du Comité central du Conseil œcuménique des Églises s’est récemment achevée à Johannesburg. L’Église orthodoxe russe y participe depuis des années. Le président du Département des relations extérieures du Patriarcat de Moscou et chef de la délégation de l’Église orthodoxe russe a raconté dans une interview à l’agence RIA Novosti comment, chaque année, le Conseil devient de plus en plus politisé sous l’influence de pressions externes, à quelles accusations l’Église orthodoxe russe est confrontée, comment elle témoigne des persécutions contre les chrétiens en Ukraine, et si l’on peut appeler « unanime » la position antirusse de certaines Églises, membres du COE.
– Monseigneur Antoine, quels thèmes ont été abordés avec les représentants d’autres Églises ?
– Lors des séances plénières, on a discuté de questions pratiques concernant le travail de cette vaste organisation interchrétienne, dressé les bilans et préparé les plans à venir. À part cela, les membres du Comité central ont évoqué la situation politique actuelle et les conflits qui, malheureusement, ont lieu aujourd’hui : la situation dans la bande de Gaza, où se déroule une catastrophe humanitaire, la tension entre l’Iran et Israël et le conflit militaire en Ukraine.
D’après mon expérience de ces discussions, je dois, malheureusement, constater que le travail du COE est marqué depuis quelques années par une forte politisation des échanges. Cela a été vrai à l’Assemblée générale de Karlsruhe en 2022, à la précédente réunion du Comité central à Genève et cette année encore à Johannesburg. À mon avis, l’engagement politique de certaines Églises membres du COE est devenu trop important, et cela ne peut qu’affecter le travail du Conseil, qui perd rapidement son statut de plateforme de dialogue interchrétien.
– Comment les persécutions contre l’orthodoxie canonique en Ukraine ont-elles été abordées pendant la conférence ?
– À l’initiative de la délégation de l’Église orthodoxe russe, une longue discussion sur le statut de l’Église canonique en Ukraine a pu avoir lieu. La veille, des images terrifiantes de Tchernovtsy avaient circulé, montrant des militants, soutenus par la prétendue « Église orthodoxe d’Ukraine », tentant de s’emparer de la cathédrale et frappant les clercs, dont le métropolite Mélétios de Tchernovtsy et de la Bucovine. Ces images ont été vues par un grand nombre de membres du Comité central.
– Comment ont-ils réagi ?
Pendant la discussion, j’ai été frappé par le cynisme de certains représentants d’Églises, surtout protestantes, qui mettaient en doute la véracité des faits que nous rapportions et cherchaient à perturber les débats. Néanmoins, à l’issue du vote, il a été confié au secrétaire général du Conseil œcuménique de se saisir du dossier et d’adresser aux autorités ukrainiennes l’expression de la préoccupation du COE face aux persécutions des fidèles dans ce pays.
– Est‑ce que cela a donné lieu à des discours anti‑russes ?
Les représentants de certaines Églises protestantes ont essayé d’imposer au Comité central un projet de déclaration accusant la Russie d’avoir enlevé des enfants ukrainiens sur le territoire de la Fédération de Russie. Ce document contenait un chiffre complètement fantaisiste : près de 20 000 enfants auraient été victimes. Nous avons dû leur rappeler que, lors des dernières négociations avec l’Ukraine, la Russie a reçu une liste d’enfants prétendument transférés sur son territoire, qui ne comptait guère plus de 300 noms. La différence est énorme ; nous avons souligné que les auteurs de ce paragraphe s’étaient appuyés sur des affirmations de la presse engagée, et ce passage a été retiré.
Un projet de document a été soumis à l’attention des membres du Comité central, offrant un panorama des conflits actuels dans le monde. Il y était notamment question de la situation en Ukraine. Une fois le passage en cause lu au cours de la session plénière, j’ai dû prendre la parole. D’abord, j’ai rappelé que les membres du Comité central ne sont pas des hommes politiques, mais des représentants d’Églises. Plutôt que de reprendre dans nos textes des formules toutes faites que l’on lit chaque jour dans la presse politiquement engagée ou que l’on entend dans les discours de certains hommes d’État, il convient de se souvenir que les fidèles attendent du Conseil œcuménique des Églises avant tout un message de fraternité, des paroles de soutien et de réconfort à l’adresse des chrétiens qui souffrent dans les régions en proie aux conflits. C’est précisément ce qui, à mon sens, fait cruellement défaut aux documents du Conseil œcuménique. Je l’ai également rappelé lors des sessions du comité spécialisé du Conseil auquel j’appartiens.
Ensuite, j’ai commenté certains points du projet de document. D’abord, il comportait des statistiques sur les victimes civiles en Ukraine, mais aucun indice n’indiquait la source de ces chiffres. J’ai fait observer qu’il y a aussi des victimes civiles en Russie — notamment après l’invasion de la région de Koursk par des forces ukrainiennes et les attentats commis sur notre territoire par des services spéciaux ukrainiens — et que ce point n’était mentionné nulle part dans le texte. La vie de ces personnes aurait‑elle moins de valeur que celle des Ukrainiens touchés par le conflit ?
J’ai ensuite abordé la question des négociations de paix. Le projet qui nous était présenté stipulait que celles‑ci ne sauraient se dérouler sous la menace de la force ni déboucher sur la « récompense de l’agresseur » — je cite presque mot pour mot. J’ai rappelé aux participants qu’il y a deux ans, à Genève, on reprochait à la Russie de ne pas être prête à négocier, tandis qu’aujourd’hui que les négociations ont enfin commencé, on les critique et on prescrit aux négociateurs les résultats qu’ils doivent atteindre. À mon avis, ce n’est pas notre rôle ; nous ne sommes pas là pour imposer des conditions politiques.
– Quelle suite a été donnée à ce projet de document ?
– À l’issue des débats, un vote a été organisé. Naturellement, la délégation de l’Église orthodoxe russe et plusieurs autres délégués ont voté contre, de sorte que le texte n’a pas obtenu le soutien unanime du Comité central. Nous avons exigé que notre opinion particulière soit annexée au document final, et la direction du Conseil œcuménique nous a donné ces garanties.
Patriarche
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