Le métropolite Hilarion : En mettant en commun nos efforts, nous vaincrons la pandémie
Répondant aux questions du correspondant de la compagnie de télévision RT, le métropolite Hilarion de Volokolamsk a partagé ses réflexions sur des sujets de société sensibles, comme la pandémie et la campagne d’information anti-vaccin contre le coronavirus.
- Mgr Hilarion, votre compte Instagram a été bloqué. Pourquoi?
- Je pense que mon compte a été bloqué parce qu’un groupe de personnes a bombardé de plaintes les dirigeants du réseau social Instagram. Je présume que ce sont les opposants à la vaccination, qu’on appelle les « anti-vaccins », qui se montrent actuellement très agressifs. Ils cherchent à m’attaquer sur différents fronts, par exemple ils envoient des questions pleines d’agressivité à l’émission « L’Église et le monde », que j’anime depuis déjà vingt ans sur la chaîne « Rossia 24 ». Je ne doute donc pas que l’attaque vienne d’eux. Pourquoi la direction d’Instagram ne réagit-elle pas comme il le faudrait à cette attaque, ce n’est pas clair, par contre.
Nous avons d’abord reçu d’Instagram une notification en anglais. Il était précisé que le compte était bloqué pour telles ou telles raisons possibles ; parmi les raisons invoquées, il était dit que nous n’aurions pas réagi aux avertissements. Or, nous n’avions reçu aucun avertissement.
Aujourd’hui, Instagram a demandé une photo de mon passeport. J’en ai envoyé une, il n’a pas encore eu de réaction.
- Vous dites que votre compte a été bloqué à cause des plaintes des « anti-vaccins ». Pourquoi tiennent-ils tant à vous bloquer ?
- Je présume que ce sont eux qui ont envoyé des plaintes parce que le seul groupe qui soit vraiment agressif, ce sont les « anti-vaccins ». Pourquoi se montrent-ils aussi agressifs, pourquoi sont-ils aussi organisés, c’est une question qui mériterait d’être étudiée de près.
A mon avis, de même que le virus est arrivé en Russie depuis l’étranger, la campagne anti-vaccin est aussi orchestrée depuis l’étranger. J’ai souvent exprimé l’opinion, dans mon émission, notamment, que le virus pourrait être une sorte d’arme biologique. Peut-être est-il apparu de façon naturelle, peut-être y a-t-il eu une fuite depuis un laboratoire, peut-être a-t-il été intentionnellement libéré pour ébranler l’économie mondiale. Les experts nous diront si cela est plausible ou non.
Néanmoins, il est clair que le virus est arrivé chez nous depuis l’étranger, autrement dit, que c’est un produit étranger. Le vaccin élaboré par les biologistes russes est un produit national, notre réponse au défi qui nous a été lancé. Le vaccin a été élaboré pour protéger les gens. On peut supposer que les forces qui nous ont envoyé le virus ont intérêt à ce que la pandémie dure le plus longtemps possible, à ce que le plus grand nombre possible de gens meurent. C’est pourquoi la campagne contre le vaccin est si active.
Remarquez-le, les gens qui vantent le vaccin le font par l’intermédiaire des médias russes, par la télévision ; leur opinion est répercutée par les agences d’information russes. La campagne contre le vaccin, elle, se fait sur Internet, que nous ne contrôlons pas. On ne bloque aucun de ceux qui expriment les opinions les plus absurdes, les plus fantasmagoriques sur la vaccination, comme quoi les femmes vaccinées ne pourraient avoir d’enfants ou comme quoi l’espérance de vie des personnes vaccinées serait réduite de plusieurs décennies par rapport aux non-vaccinées ; un grand nombre de ces sottises circule sur Internet et, malheureusement, beaucoup y croient. Il y a des gens qui, consciemment ou inconsciemment, participent à la campagne anti-vaccin (ceux qui se montrent agressifs, le font, naturellement, en pleine connaissance de cause). Il semble que tous ceux qui sont impliqués dans cette campagne n’ont pas toujours conscience de ce que ceux qui l’orchestrent ne sont pas en Russie, mais à l’étranger.
- Aussi bien en Russie qu’à l’étranger, beaucoup de gens se définissent comme « anti-vaccins », même en temps de pandémie. Ils ajoutent foi à différentes théories complotistes et se réfèrent à la religion. A votre avis, pourquoi ?
- Je le déplore. J’appelle mes paroissiens à ne pas fouiller dans les ordures informationnelles qui circulent en quantité sur Internet. Les médecins peuvent donner suffisamment d’informations sûres, il y a des choses évidentes auxquelles il n’y a, à mon avis, rien à objecter.
Certains disent qu’il existe un risque de mourir après avoir été vacciné, mais on n’entend guère parler de cas de gens qui seraient morts d’un vaccin russe, tandis que tous les jours, des centaines de gens meurent du coronavirus, en Russie. Le coronavirus a déjà fait 140 000 morts dans le pays.
Sans compter ceux qui sont morts des effets secondaires de cette maladie. A Moscou, nous avions un prêtre remarquable, le père Dimitri Smirnov. Après avoir été malade du coronavirus, le père Dimitri a été paralysé. Dans une conversation téléphonique, il m’a confié qu’il était devenu tout à fait impotent. Le père Dimitri est mort quelques mois plus tard. Il est clair que sa mort est une conséquence du coronavirus, même s’il ne fait pas partie des 140 000 morts du coronavirus officiellement enregistrés.
Le nombre de victimes de cette maladie est énorme : dans le monde, leur nombre s’élève déjà à plus de quatre millions. Combien faudra-t-il encore de victimes pour convaincre les « anti-vaccins », s’ils ne veulent pas se faire vacciner eux-mêmes, au moins de ne pas troubler les autres par leurs discours ? 500 000 morts en Russie, un million ? 10 millions dans le monde, ou peut-être un milliard ?
Il faut rester lucide. Il y a des chiffres, il y a des faits, et il vaut mieux, à mon avis, ignorer les discours démagogiques qui les contredisent.
- Vous avez récemment déclaré que ceux qui ne se font pas vacciner s’en repentiront durant toute leur vie. Cette déclaration a provoqué de vives réactions et fait l’objet de beaucoup d’interprétations. Pouvez-vous préciser ce que vous vouliez dire ?
- Il y a ce que je dis, et il y a ce que les médias en tirent, en ajoutant un titre à l’une de mes déclarations. Qui fait réagir les gens.
Dans mon émission, j’ai parlé d’un homme qui est venu nous voir à l’église, déclarant qu’il était « anti-vaccin » et qu’il avait refusé à sa mère âgée de se faire vacciner, comme elle le souhaitait. Finalement, cette femme âgée est morte du coronavirus, ainsi que la voisine qui s’était occupée d’elle. L’homme en question a aussi été contaminé, il a été malade, mais est resté vivant. Il est revenu à l’église et il nous a demandé comment vivre avec ça sur la conscience ? Il a pris conscience de sa faute, il a compris qu’il avait été le meurtrier involontaire de sa propre mère. Dans l’émission, j’ai dit que des gens comme lui se repentiraient le restant de leurs jours. J’ai vu personnellement des gens comme eux, et ils sont nombreux.
On me demande pourquoi je fais ainsi la promotion de la vaccination, alors que je n’ai pas de formation médicale. Il n’y a pas besoin d’être médecin pour voir ce qui se passe autour, pour voir dans quelles souffrances terribles meurent les malades du coronavirus. Ils étouffent, tout simplement. C’est une mort atroce. Ces patients ne peuvent même pas dire adieu à leurs proches, on ne laisse pas entrer les parents. Les médecins le voient, nous en sommes témoins, nous prêtres. En comparaison avec ces situations, la rhétorique anti-vaccin me semble tout simplement absurde et même blasphématoire. C’est pourquoi je n’ai pas honte de le dire dans mes émissions, dans mes déclarations publiques : Dieu nous a donné la possibilité de nous débarrasser de la pandémie de coronavirus, profitons de cette opportunité.
Mes paroissiens me demandent : quand est-ce que cela finira ? Quand la pandémie a commencé, nous ne savions pas quand elle se terminerait, parce que nous n’avions pas « l’antidote ». Maintenant, nous l’avons : trois vaccins élaborés en Russie. Si l’un ne vous plaît pas, essayez-en un autre.
Certains déclarent que les inventeurs du « Spoutnik V » auraient utilisé du matériel biologique issu d’enfants avortés. Les spécialistes de l’Institut Gamaleïa ont déjà répondu à cette accusation. Mais si vous ne voulez pas du « Spoutnik V », il reste deux autres vaccins. Je vous en prie, faites-vous vacciner. Mettons fin à cette bacchanale autour de la vaccination ! Regardons autour de nous, voyons ce qui se passe !
Il y a aussi ceux qui disent : je me sens en bonne santé, je n’ai pas peur du covid. Si tu n’en as pas peur, pense aux autres : on peut très bien être contaminé, être porteur du virus et contaminer les autres. On peut très bien supporter la maladie, n’en ressentir même aucun effet, mais contaminer sa mère, sa grand-mère, son grand-père, un de ses proches, qui en mourra. N’auras-tu pas honte de continuer à vivre sur cette terre, après cela ?
Voilà ce que je voulais dire quand j’ai déclaré que ceux qui ne se font pas vacciner ou ne permettent pas à d’autres de se faire vacciner et sont donc responsables de leur mort, se repentiront toute leur vie d’avoir été un meurtrier involontaire.
- Certains considèrent la vaccination comme une violation de leur liberté individuelle, laquelle prévaut sur la responsabilité devant la société. L’État place la responsabilité avant la liberté. Qu’en pense l’Église ?
- Je donnerais ma propre opinion. Je pense que lorsqu’il s’agit des libertés individuelles, nous devons en principe les défendre par tous les moyens. Mais quand il s’agit de la survie d’un peuple entier, quand les gens meurent du virus, il me semble qu’il faut mobiliser tout le pays pour vaincre la maladie, sans prendre de gants avec ceux qui, pour des raisons stupides ou absurdes qui leur appartiennent, se déclarent contre la vaccination.
En Russie, la vaccination est un acte volontaire, c’est la position de l’État. En même temps, l’État stimule la vaccination par tous les moyens.
Pour certaines catégories d’employés, la vaccination est devenue obligatoire. Pourquoi cette décision a-t-elle été prise ? Parce que ce sont des gens qui travaillent avec la population, ils voient défiler un grand nombre de personnes, et il faut les protéger. Je pense que c’est une approche tout à fait juste, lucide.
La vaccination n’est pas obligatoire pour tous, il y a des gens qui, pour des raisons médicales, ne peuvent pas être vaccinés. Mais il me semble que ceux qui peuvent être vaccinés doivent le faire maintenant. Si ce n’est pour eux, qu’ils le fassent pour les autres.
- Que fait l’Église pour lutter contre la pandémie ?
- Nous avons réagi conformément aux prescriptions des organes de l’État et des services sanitaires. La pandémie a commencé au moment où nous nous préparions à la fête de Pâques. Or, la période qui va du dimanche des Rameaux à la Semaine radieuse se caractérise par une forte fréquentation des églises. A la demande du patriarche, on a continué à célébrer dans les églises, mais leur accès a été limité à quelques paroissiens, voire interdit. Beaucoup de paroisses ont organisé une retransmission des offices sur internet. Les fidèles ont passé Pâques à la maison, pour la première fois, sans doute, de l’histoire de l’Église. Nous avons accepté ces mesures sans précédent pour conserver les gens en vie.
Ensuite, le nombre de contaminations a commencé à baisser, la vaccination a commencé, les églises sont ouvertes. En même temps, l’instruction que le patriarche et le Saint-Synode ont publié au tout début de la pandémie reste d’actualité. Récemment, le primat de l’Église orthodoxe russe a rappelé la nécessité d’intensifier les mesures contre l’épidémie.
De quelles mesures s'agit-il? D'abord, du respect de la distance sociale dans les églises, du port obligatoire du masque pour ceux qui viennent à l’église, de la désinfection des cuillers de communion après chaque communiant. Il est aussi recommandé de s’abstenir de certaines formes de dévotion aux saints, comme, par exemple, du baiser aux icônes. Si les fidèles viennent vénérer une icône en l’embrassant, un employé de l’église est tenu de l’essuyer avec un linge imbibé d’alcool après chaque fidèle (l’icône doit, à cet effet, être mise sous verre). Il y a toute une série de mesures restrictives que nous nous efforçons de respecter.
Malheureusement, tous les prêtres n’écoutent pas le patriarche. Certains ignorent ce que dit la hiérarchie ; certains, volontairement ou non, consciemment ou non, sont du côté des « anti-vaccins », de ceux qui mènent une campagne active contre la vaccination. Mais je pense que la majorité des hiérarques et des prêtres, la majeure partie du peuple chrétien comprend qu’il vaut mieux respecter les mesures prises contre l’épidémie.
J’aimerais exprimer l’espoir que, mettant en commun nos efforts, nous pourrons vaincre au plus tôt la pandémie. Je crois en la puissance de Dieu et en Sa miséricorde. Mais j’aimerais aussi croire que nous nous montrerons tous raisonnables, que nous ferons preuve de responsabilité les uns envers les autres, que nous prendrons soin de nos proches, que tous ceux qui peuvent se faire vacciner le feront. Plus tôt ce sera fait, plus vite la pandémie sera terminée.