Département des relations ecclésiastiques extérieures
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Allocution du métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du DREE, à la Conférence « le Pluralisme religieux et culturel et la coexistence pacifique au Proche Orient »
Sainteté, Béatitudes, Éminences et Excellences,
Honorables participants de la conférence
Au Proche Orient, une extermination jamais vue et délibérée du christianisme s’accomplit aujourd’hui. Les exécutions et les enlèvements, la destruction de sanctuaires antiques, les expulsions de chrétiens chassés de leurs terres natales ne cessent de se répéter, ce qui ne peut pas ne pas inquiéter les Églises chrétiennes.
« Une véritable tragédie, un vrai génocide de la population chrétienne se produit sous nos yeux sur les terres d’où la Bonne Nouvelle a été répandue dans le monde entier. L’ampleur de cette catastrophe, que les médias internationaux, dans leur majorité, taisent, est encore à évaluer. »
Ainsi Sa Sainteté le Patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie caractérisait-elle la situation, intervenant devant les hiérarques de l’Église orthodoxe russe en février dernier. Le Patriarcat de Moscou, qui entretient traditionnellement des liens spirituels et des relations publiques très étroits avec la région du Proche Orient, en a fait une des orientations prioritaires de sa politique extérieure.
En deux mille ans d’histoire, les chrétiens ont traversé de nombreuses épreuves. Pourtant, les évènements de ces dernières années sont sans précédent. Au XXI siècle, à une époque de développement intensif de l’humanité, après une série de sanglantes guerres mondiales et avec la complaisance silencieuse des grandes puissances mondiales, on assiste à l’éradication volontaire du christianisme et de la culture chrétienne là où ils sont nés.
Nous savons que les musulmans et d’autres communautés religieuses souffrent aussi de l’activité des extrémistes, mais les chrétiens sont les plus vulnérables face à l’ennemi qui terrifie le monde entier. Ils sont devenus les premières cibles des terroristes, victimes d’enlèvements, d’exactions et d’assassinats. Or, ces terroristes commettent leurs méfaits au nom de slogans religieux.
Je citerai quelques chiffres pour mettre en évidence l’ampleur de la catastrophe. En Irak, par exemple, le nombre de chrétiens a été divisé par plus de dix durant ces douze dernières années ; ceux qui sont restés sont aujourd’hui dans une situation désastreuse, privés de tous leurs biens et de tout espoir d’un avenir paisible et prospère. Rien que l’an dernier, plus de 100 000 chrétiens ont quitté l’Irak. Les dommages causés aux antiques églises chrétiennes et à d’autres monuments historiques sont incalculables.
En Lybie, on procède à des exécutions en masse de chrétiens parfaitement innocents. Ce pays, naguère stable, est la proie de guerres tribales, être chrétien y est extrêmement dangereux. Sur 100 000 chrétiens, il n’en reste que quelques milliers, et leur vie est toujours menacée.
Jusqu’en 2011, la Syrie a entretenu l’équilibre interreligieux. L’intervention des extrémistes dans ce pays a déclenché une terreur sanglante à l’encontre des chrétiens. Nous ne savons toujours rien du sort des deux métropolites d’Alep enlevés il y a deux ans et demi, Paul (Yazidji) et Grégoire Jean (Ibrahim). Près de 200 Assyriens, enlevés en février dans la vallée de la rivière Khabour sont toujours captifs de l’État islamique. Trois d’entre eux ont été récemment exécutés par les terroristes.
A l’heure actuelle, plus d’un quart des chrétiens ont quitté la Syrie. Ce chiffre continue à croître. Les gens fuient la terreur, les horreurs de la guerre, un avenir sans espoir pour eux et pour leurs enfants. Le danger de voir le Proche Orient, berceau du christianisme, appartenir sans partage aux extrémistes est bien réel.
A notre grand regret, peu d’hommes politiques occidentaux prêtent l’oreille à la voix des leaders chrétiens qui appelaient et continuent d’appeler à cesser toute livraison d’armes aux rebelles.
Des dommages irréparables ont été causés à l’antique patrimoine culturel du Proche Orient. Les équilibres religieux et culturels, dont la mise en place avait demandé des siècles, ont été détruits. Je me suis souvent entretenu avec des leaders religieux et politiques de Syrie et d’Irak ; tous affirment que le rétablissement, au moins partiel, des infrastructures et le retour à la vie normale exigeront de sérieux efforts.
L’Église orthodoxe russe s’efforce toujours et partout d’attirer l’attention sur la situation désastreuse des chrétiens. Les représentants de l’Église introduisent inlassablement cette question à l’ordre du jour de leurs rencontres avec les leaders politiques, sociaux et religieux tant de l’Orient, que de l’Occident. Dialoguant avec les musulmans, l’Église orthodoxe russe met l’accent sur la protection des chrétiens contre les extrémistes. A la mesure de nos forces, nous soutenons nos frères et sœurs moralement et matériellement. Bien des efforts ont été faits pour qu’en Russie comme hors du pays, les médias fassent entendre à la population la vérité sur la catastrophe qui a éclaté.
Nous espérons que le monde pourra tirer les leçons de la plus grande tragédie humanitaire de ces dernières années. Nous appelons les hommes politiques partiellement responsables de cette situation à faire tous les efforts possibles pour la protection des chrétiens, et pour leur garantir le retour vers leurs maisons, sur leurs terres natales dont ils sont la population de souche.
J’aimerais rappeler une fois de plus que la disparition de la présence chrétienne au Proche Orient aurait des conséquences irréparables. Si les chrétiens ne restent pas, c’est la barrière qui contient l’expansion du radicalisme qui disparaît avec eux.
Pour conclure cette allocution, j’aimerais encore une fois assurer les chrétiens du Proche Orient de notre solidarité. Toute l’Église est empreinte de sollicitude et prie pour ceux qui souffrent au nom du Christ car, suivant le mot de l’apôtre, « Ne sommes-nous pas les membres de son corps ? » (Eph 5, 30) Nous endurons avec peine les épreuves que vous subissez, nous avons le plus profond respect pour votre courageux et ferme témoignage de la vérité du Christ.
J’espère que cette conférence nous permettra à tous non seulement d’exprimer notre position solidaire sur le règlement de la situation au Proche Orient, mais sera aussi un signal pour ceux dans les mains desquels se trouve le sort de la terre biblique qui a tant souffert.
Patriarche
Président du Département
14.10.2020
28.08.2020