Sa Sainteté le patriarche Cyrille s’est adressé aux leaders religieux et politiques et aux chefs des organisations internationales pour dénoncer les pressions exercées par les autorités ukrainiennes sur l’Église orthodoxe ukrainienne et l’ingérence de l’état dans les affaires de l’Église en Ukraine
Dans un message adressé aux primats des Églises orthodoxes locales, au pape François, à l’archevêque de Canterbury, Justin, Welby, chef de la Communion anglicane, au secrétaire général du Conseil œcuménique des Églises, O. Fykse Tveit, ainsi qu’au secrétaire général de l’ONU, A. Guterres, au secrétaire général de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, T. Greminger, au président français E. Macron et au chancelier d’Allemagne A. Merkel, chefs des états faisant partie du « Quartet Normand », le patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie a attiré l’attention sur la généralisation des cas de violations des droits et des libertés des hiérarques, du clergé et des fidèles de l’Église orthodoxe ukrainienne.
« Ces derniers temps, l’ingérence des dirigeants de l’état ukrainien dans les affaires de l’Église a pris la forme de pressions brutales, exercées contre l’épiscopat et le clergé de l’Église orthodoxe ukrainienne, qui permettent de parler de véritables persécutions », constate Sa Sainteté.
Il remarque également que le prétexte à l’augmentation des pressions a été le refus de l’épiscopat orthodoxe ukrainien de participer au « concile de réunification », soutenu par les autorités de l’Ukraine, au cours duquel l’Église orthodoxe ukrainienne, qui est la confession religieuse numériquement la plus importante du pays, comptant treize mille paroisses, plus de deux cents monastères et des millions de fidèles, devrait être remplacée par une nouvelle organisation religieuse, créée par le président ukrainien, P. Porochenko, avec le patriarche de Constantinople Bartholomée.
Il est précisé dans les messages envoyés aux chefs religieux, aux responsables des organisations internationales et aux chefs d’état « qu’afin de forcer l’épiscopat de l’Église orthodoxe ukrainienne à participer à cette manifestation, les organes gouvernementaux de l’Ukraine et ceux du maintien de l’ordre ont recours à différentes méthodes, constituant une violation flagrante des droits et des libertés constitutionnels des citoyens ukrainiens. »
Le patriarche Cyrille déclare aussi que les hiérarques de l’Église orthodoxe ukrainienne sont convoqués pour des « entretiens » et des interrogatoires par le Service de sécurité de l’Ukraine, sont retenus sous différents prétextes, notamment lorsqu’ils passent la frontière ukrainienne, et sont soumis à des fouilles humiliantes. Le 9 décembre, notamment, le Service de sécurité de l’Ukraine a refusé l’accès au territoire du pays au métropolite de Donetsk Hilarion, citoyen ukrainien, se référant à « un ordre spécial de Kiev ». »
Au niveau du gouvernement et des autorités locales, les autorités tentent de priver l’Église orthodoxe ukrainienne de ses droits légitimes à la jouissance des laures des Grottes de Kiev et de Potchaïev, les principaux monastères de l’Ukraine orthodoxe.
Ainsi, le 23 novembre 2018, le ministère de la Justice ukrainien a annulé l’enregistrement du droit de la communauté monastique à la jouissance des bâtiments du site de la laure de la Dormition de Potchaïev. Le 28 novembre, le Cabinet des ministres d’Ukraine a annulé son ordonnance du 17 juillet 2003 « Sur l’exclusion des bâtiments de la laure de la Dormition de Potchaïev du site historique et architectural national de Kremenets-Potchaïev ». Les représentants du site national ne cachent pas que la jouissance du monastère pourrait être prochainement cédée à une autre organisation religieuse. Le 5 décembre, les responsables du site national de Kremenets-Potchaïev ont effectué une vérification des objets ecclésiastiques de valeur de la laure de la Dormition de Potchaïev.
Évoquant la situation de la laure de la Dormition des Grottes de Kiev, le patriarche informe que, le 28 novembre, pour la première fois depuis 30 ans, la Commission du ministère de la Culture d’Ukraine a procédé à une inspection des objets de valeur conservés à la laure des Grottes de Kiev.
Le 30 novembre, une perquisition a été effectuée sur le territoire du domaine agricole de la laure des Grottes de Kiev, au village de Voronkov, district de Borispol, région de Kiev. Différentes violations de la législation ont été commises dans la procédure de perquisition.
Le message souligne que, sur la foi d’accusations infondées de « haute trahison» et « d’incitation à la haine religieuse », on cherche à mettre en examen des évêques et des clercs. Dans plusieurs régions d’Ukraine, des perquisitions ont été effectuées dans les locaux des directions diocésaines, dans les églises et au domicile des ministres du culte.
Ainsi, le 1er décembre, 20 clercs des diocèses de Rovno et de Sarny de l’Église orthodoxe ukrainienne (région de Rovno) ont été convoqués à comparaître devant le Service de sécurité de l’Ukraine.
Le 3 décembre, des perquisitions ont été effectuées dans les cathédrales, les directions diocésaines, les églises et même au domicile des ministres du culte de l’Église orthodoxe à Jitomir, Ovroutch et Korosten.
Le 5 décembre, 12 prêtres des diocèses de Rovno et de Sarny de l’Église orthodoxe ukrainienne ont subi un interrogatoire. Les documents précisent que l’enquête est menée dans le cadre d’une procédure pénale en vertu de l’article 111 (« haute trahison ») et de l’article 161 (« incitation à la haine religieuse ») du Code pénal ukrainien.
« Les médias contrôlés par l’état poursuivent leur violente campagne de discréditation de l’Église ukrainienne. En violation du droit à la vie privée et de l’interdiction d’utiliser des données personnelles, des renseignements personnels possédées par l’état ont été publiés sur les hiérarques et les prêtres de l’Église orthodoxe ukrainienne. Les données personnelles d’une grande partie de l’épiscopat de l’Église orthodoxe ukrainienne ont ainsi été publiées sur le site « Mirotvorets », assortis de commentaires incitant à la haine religieuse.
Le site « Mirotvorets », soutenu directement par le ministère de l’Intérieur d’Ukraine, est déjà tristement célèbre pour avoir publié des renseignements sur des journalistes ukrainiens, américains et européens, après quoi ceux-ci ont reçus des menaces, été battus, voire assassinés. Malgré les protestations de la société civile américaine et européenne, le projet « Mirotvorets » n’a pas été fermé par les autorités ukrainiennes, et le ministère de l’Intérieur continue à lui accorder son soutien » souligne Sa Sainteté.
Le patriarche dénonce aussi le fait que Des représentants du plus haut niveau l’état se permettent des réflexions en public sur l’Église orthodoxe ukrainienne, incitant à l’hostilité inter-confessionnelle.
Ainsi, par exemple, le 30 novembre 2018, le conseiller du ministre de l’Intérieur d’Ukraine, Z. Chkiriak, a publiquement qualifié le métropolite Paul de Vychgorod et de Tchernobyl, supérieur de la laure des Grottes de Kiev, de « vampire, haïssant l’Ukraine, les Ukrainiens et tout ce qui est ukrainien ». Le président de la Rada suprême, A. Parouby, s’est aussi permis des offenses et des calomnies publiques à l’encontre de l’Église orthodoxe ukrainienne. Il a, notamment, déclaré publiquement que les prêtres de l’Église orthodoxe ukrainienne encourageaient les meurtres de citoyens ukrainiens.
Le président P. Porochenko ne cache pas non plus son hostilité à l’Église. Il a menacé publiquement de chasser du pays les Ukrainiens qui ne souhaitaient pas rejoindre « l’église autocéphale », en cours de fondation par l’état.
Le patriarche mentionne aussi un fait caractéristique : « les hiérarques de l’Église orthodoxe ukrainienne ont reçu leurs invitations au « concile de réunification », signées du patriarche Bartholomée de Constantinople, des mains de fonctionnaires de l’état, bien que, suivant la Constitution ukrainienne, « l’église et les organisations religieuses en Ukraine sont séparées de l’état » (Constitution ukrainienne, art.35), toute ingérence de l’état dans les rapports entre les églises étant, par conséquent, anticonstitutionnelle. »
« Nous ne savons pas quelles mesures suivantes prendront les autorités ukrainiennes, à quelles infractions aux droits fondamentaux et intangibles de l’homme et du citoyen elles se résoudront pour parvenir à l’objectif qu’elles se sont fixées durant la période restant avant les prochaines élections présidentielles. Mais les multiples faits de discrimination contre l’Église ukrainienne déjà enregistrés forcent à craindre de plus grandes atteintes aux droits et aux intérêts légitimes des croyants orthodoxes, la multiplication de leurs souffrances à cause de leur fidélité à l’Orthodoxie canonique. »
Comme le remarque Sa Sainteté, le Synode de l’Église orthodoxe ukrainienne, dans sa séance du 7 décembre, a dû constater « l’existence de « poursuites judiciaires infondées » de la part des organes de l’état, ainsi que « de pressions sur l’épiscopat, le clergé et les fidèles de l’Église orthodoxe ukrainienne dans le but de les forcer à participer au prétendu concile de réunification ». Le Synode a conclu en tout état de cause que ces actes constituaient « une violation du droit constitutionnel des citoyens d’Ukraine à la liberté de confession ».
« Une ingérence grossière des autorités de l’état d’Ukraine dans la vie de l’Église se produit sous nos yeux. Des droits fondamentaux de l’homme sont enfreints, notamment le droit fondamental à la liberté de conscience. Nous sommes confrontés à une évidente tentative d’utiliser l’Église à des fins politiques et électorales » a témoigné le patriarche Cyrille.
Il s’adresse aux chefs religieux et politiques, aux leaders des organisations internationales, les appelant à tout mettre en Éuvre pour défendre l’épiscopat, le clergé et les fidèles de l’Église orthodoxe russe des discriminations et des pressions de la part des autorités ukrainiennes, à faire valoir le droit à la liberté de conscience et de confession religieuse fixé par le droit international.