Département des relations ecclésiastiques extérieures
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Le métropolite Hilarion de Volokolamsk : La reconnaissance de l’église orthodoxe d’Ukraine par n’importe quelle Église ne ferait qu’agraver la division
Le patriarche Bartholomée de Constantinople a récemment déclaré que l’Église de Grèce serait la première des Églises orthodoxes locales à reconnaître « l’église orthodoxe d’Ukraine » (EOd’U), à la suite de l’Église constantinopolitaine, sa fondatrice. Dans une interview à RIA-Novosti, le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, a commenté cette déclaration, évoqué les conséquences des entreprises de Constantinople en Ukraine, et parlé de l’opinion du monde orthodoxe à ce sujet.
- Mgr Hilarion, vous êtes récemment rentré de Grèce, où vous avez rencontré le primat de l’Église grecque et plusieurs de ses hiérarques. Cette Église pourrait-elle reconnaître l’EOd’U ?
- En échangeant avec les hiérarques de l’Église grecque, je me suis convaincu qu’ils comprennent parfaitement toute la complexité et l’ambigüité de la situation. En Grèce, on sait que ce n’est pas l’Église orthodoxe ukrainienne canonique rassemblant la majorité de la population ukrainienne, qui a reçu l’autocéphalie des mains du patriarche Bartholomée, mais un groupe de schismatiques n’ayant pas été ordonnés canoniquement (l’EOd’U, N.D.R.).
A la différence du patriarche Bartholomée, je m’abstiendrai de toute prédiction sur la décision de l’Église grecque. C’est une Église autocéphale, et elle doit prendre ses décisions de façon autonome, sans pression extérieure.
Cependant, je suis profondément convaincu que la solution du problème ukrainien doit passer par une concertation panorthodoxe. Si une Église orthodoxe locale avait reconnu unilatéralement l’EOd’U, cela n’aurait fait qu’agraver la division actuelle. Or, notre objectif commun est de préserver l’unité de l’Église orthodoxe. Nous prions à cette intention à chaque liturgie.
- Le patriarche Bartholomée comprend-il que l’objectif affiché – l’unification de tous les orthodoxes d’Ukraine en une seule Église – n’a pas été atteint ?
- Je suppose qu’il ne peut pas ne pas le comprendre. On lui avait promis que tous les hiérarques de l’Église orthodoxe ukrainienne canonique (EOU, D.R.) rejoindrait la nouvelle structure, dès qu’il aurait donné un tomos d’autocéphalie à l’Ukraine. Cela n’a pas eu lieu, et ne pouvait avoir lieu. Une Église canonique ne peut s’allier à des schismatiques, même si le schisme est légalisé sur le papier par Constantinople.
On avait promis au patriarche Bartholomée que Porochenko resterait au pouvoir et qu’il mènerait à bien la réunion forcée de l’épiscopat, du clergé et et des fidèles de l’EOU à la nouvelle structure. Mais Porochenko n’est pas resté au pouvoir, et le nouveau président ukrainien ne s’occupe pas des affaires de l’Église, ce qui est tout à son honneur. Chacun doit s’occuper de ses affaires : les hommes politiques, de politique, et les hommes d’Église, de l’Église.
On avait promis au patriarche Bartholomée la création de stavropégies sous sa direction, mais cette condition n’a été remplie que partiellement. L’église que Porochenko avait choisie pour former le noyau d’un « exarchat » de Constantinople est en travaux, il n’y a pas de paroissiens, et le prétendu exarque s’ennuie et ne fait rien.
- La tentative de Porochenko et du patriarche Bartholomée d’unir les structures non canoniques en Ukraine n’a pas réussi non plus ?
- Non seulement il n’a pas été possible d’unir tous les orthodoxes d’Ukraine, mais on n’est pas parvenu non plus à unir les schismatiques entre eux. Le fameux concile de réunification, qui a eu lieu à Kiev, en décembre, a permis de fondre deux groupes en un seul, et cela a été présenté comme une réussite exceptionnelle. Les leaders du schisme ont été « rétablis » dans un sacerdoce que la majorité d’entre eux n’avaient jamais eu, sauf le patriarche imposteur Philarète Denissenko.
Qu’en est-il, quelques mois plus tard ? Le schisme s’est à nouveau scindé. Le principal idéologue du schisme, celui qui en était le moteur depuis plus d’un quart de siècle, a déclaré qu’il quittait l’EOd’U et qu’il refondait le « patriarcat de Kiev ».
- Que pense-t-on aujourd’hui des mesures prises par Constantinople dans le monde orthodoxe ? Y a-t-il eu des changements ces derniers mois ?
- Les mesures prises par le patriarche Bartholomée l’ont isolé. Aucune Église locale n’a reconnu l’EOd’U, certaines se sont prononcé résolument contre. Des personnes de l’entourage du patriarche Bartholomée sont mécontentes aussi, ainsi, plus largement, que des hiérarques du Patriarcat de Constantinople, au Mont Athos et dans les Églises locales.
Certains primats se sont adressés au patriarche Bartholomée pour lui proposer de convoquer une synaxe, afin de discuter de la situation, mais il a refusé catégoriquement.
- Pourquoi ?
- Parce qu’il comprend qu’il ne sera pas soutenu. L’autorité du patriarche de Constantinople dans le monde orthodoxe a été considérablement affaiblie. Et le problème du schisme en Ukraine n’est toujours pas résolu.
- Depuis la création de l’EOd’U, nous entendons sans cesse parler de persécutions contre le clergé et contre les laïcs de l’Église ukrainienne canonique, de menaces, de gens battus, d’églises réenregistrées de force. L’EOU tient-elle bon ?
- En ce qui concerne l’Église orthodoxe ukrainienne, les persécutions qu’elle a subies de la part des précédentes autorités et des schismatiques n’ont fait que souder son unité. Elles ont consolidé l’épiscopat, obligé le clergé, les moines et les laïcs à serrer les rangs autour de Sa Béatitude le métropolite Onuphe.
14.10.2020
28.08.2020