Le métropolite Hilarion : Si l’épidémie de coronavirus touche les pays de l’espace canonique de l’Église russe, nous prendrons des mesures pour minimiser les risques de contagion
Le 7 mars 2020, le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, a répondu aux questions de la présentatrice de télévision Ekaterina Gratcheva, dans l’émission « l’Eglise et le monde » (Tserkov’ i mir), diffusée sur « Rossia-24 » les samedis et les dimanches.
E.Gratcheva : Bonjour ! Vous regardez l’émission « l’Église et le monde », nous nous entretenons avec le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du DREE, sur l’actualité en Russie et dans le monde. Bonjour, Monseigneur.
Le métropolite Hilarion : Bonjour, Ekaterina ! Chers frères et sœurs, bonjour.
E.Gratcheva : Monseigneur, je commencerai par le coronavirus. Il ne cesse de s’étendre dans le monde et prend de l’ampleur dans les pays voisins de la Russie. S’agissant des pays d’Asie, la métropole orthodoxe de Corée du Patriarcat de Constantinople a devancé les autres, en énonçant des règles de conduite à tenir dans les églises pendant l’épidémie. Il est notamment demandé aux paroissiens de porter des masques pendant la liturgie, de ne pas baiser les icônes, se contentant de s’incliner devant elles ; les cours de catéchèse ont été annulés. L’Église orthodoxe russe ne veut-elle pas prendre des mesures similaires pendant la période de diffusion de l’épidémie ?
Le métropolite Hilarion : Nous en avons discuté à la dernière réunion du Haut Conseil ecclésiastique, et nous avons décidé de ne pas publier de décret ou de résolution à ce sujet préventivement. Par contre, si ce malheur touche la Russie ou d’autres pays faisant partie du territoire canonique de l’Église orthodoxe russe, nous réagirons, notamment en suivant les recommandations des organes de santé publique. Par exemple, nos paroisses, dans certaines régions d’Italie, ont déjà reçu l’ordre des autorités locales de rester fermées quelques temps, les offices ne doivent pas y être célébrés.
Il y a différents moyens de minimiser les risques de contagion. Nous croyons, notamment, qu’aucun virus, aucune maladie ne peuvent être transmis par la communion. Mais si les choses en viennent à des interdits ou à des recommandations que nous serons obligés de suivre, je n’exclus pas, par l’exemple, dans certains cas, l’emploi de cuillères à usage unique pour la communion. Cela se fait déjà lorsqu’un prêtre visite un malade gravement atteint, dont l’immunité est affaiblie, auquel les médecins ont prescrit l’isolement. Les prêtres communient ces personnes avec des cuillères jetables. D’autres mesures peuvent être envisagées, notamment le port de masques.
E.Gratcheva : N’est-il pas plus simple de fermer les églises pour le temps de l’épidémie, comme en Italie ?
Le métropolite Hilarion : Pour l’instant, nous n’envisageons pas cette option, en dehors des zones très touchées, où des mesures d’urgence s’imposent. Naturellement, l’Église se pliera aux exigences dictées par l’état.
E.Gratcheva : En dehors du coronavirus, un autre virus se répand, qui se révèle, d’ailleurs, beaucoup plus dangereux : celui de la peur et de la panique. Il a déjà atteint l’Europe. L’Italie du Nord est plongée dans la terreur, les villages du Nord sont bloqués et la vie touristique s’est complètement arrêtée. Cela a des conséquences : dans les rues, des Italiens frappent les Chinois qui leur tombent sous la main, parce que beaucoup vivaient du tourisme. Les Ukrainiens ont aussi témoigné de la panique en... refusant qu’on loge des gens en quarantaine, revenant des zones contagieuses sans avoir subi eux-mêmes la contagion. Comment lutter contre le virus de la panique, qui pousse les gens au crime ?
Le métropolite Hilarion : En tant que croyant, je dois dire d’abord que la vie et la mort de tout homme sont entre les mains de Dieu. Nous devons faire ce qui dépend de nous pour empêcher la diffusion du virus. Chaque pays touché doit prendre des mesures extraordinaires pour arrêter la contagion. Mais le virus de la panique se répand, notamment, par les médias, parce qu’on en parle beaucoup, on écrit beaucoup là-dessus. Et même si le virus n’est pas arrivé dans un pays, le simple fait de savoir ce qui se passe dans les autres, notamment dans les pays voisins, peut créer une atmosphère de panique, et c’est ce qui se produit.
Encore une fois, en tant que croyant, je peux assurer que la panique ne sert jamais à rien. C’est le recours à la médecine, qui aide, notamment à des moyens préventifs ; ce sont les mesures que prennent les structures de l’état qui aident, notamment l’annulation des vols vers les pays contaminés, la vérification de toute personne résidant dans ces pays. Je me suis moi-même récemment soumis à un contrôle, quand je suis allée en Italie. Avant de me laisser entrer sur le territoire du pays, on a pris ma température. Si j’avais eu de la fièvre, on m’aurait immédiatement fait ausculter. Ces mesures-là sont nécessaires, mais la panique ne sert à rien, bien plus, elle est néfaste, non seulement pour le moral des personnes qui se laissent aller à la panique, mais aussi pour l’ensemble de la société.
Ce qui s’est passé en Ukraine, quand les gens jettaient des pierres sur les cars de leurs compatriotes revenant de Chine – ils n’étaient pas malades, mais ceux qui jetaient les pierres avaient peur que l’infection les gagne – est complètement inadmissible. Le pire est qu’il y avait parmi eux des gens qui se présentent comme des « prêtres », je dis « qui se présentent comme » parce que ce sont des « ministres du culte » de « l’EOd’U », cette structure créée par le Patriarcat de Constantinople, que nous ne considérons pas comme des prêtres. Mais ils ont participé à ces pogroms. Quant à l’Église orthodoxe ukrainienne canonique, non seulement elle n’a pas rejeté ces gens, mais, au contraire, un hiérarque est venu leur rendre visite.
Je pense qu’il ne faut pas se laisser aller à la panique. En tant que croyants, nous devons prier pour que l’épidémie cesse plus vite, pour que les pays qui sont touchés reviennent à une vie normale au plus tôt.
E.Gratcheva : Monseigneur, voici une autre nouvelle dont je voudrais parler avec vous. Il y a une chanteuse canadienne, Grimes, dont on connaît mieux en Russie le mari, le milliardaire Elon Musk. Ils se préparent à la naissance d’un enfant, et les futurs parents ont déclaré qu’ils ne parleraient ni de « lui », ni « d’elle », mais « d’eux », c’est-à-dire qu’ils comptent laisser l’enfant choisir à quel sexe il appartient, s’il est une fille ou un garçon. L’actrice Charlize Theron, quand son fils de trois ans a déclaré qu’il était finalement une fille, l’a soutenu dans son choix, elle lui a fait porter des vêtements de fille, des robes. La fille d’Angelina Jolie, au contraire, se présente comme un garçon, et Jolie l’encourage dans cette voie. Comment expliquez-vous cette mode, dans les familles célèbres, de laisser à l’enfant le choix d’être fille ou garçon ?
Le métropolite Hilarion : Ce n’est pas une mode. C’est aussi une épidémie. Nous avons parlé de l’épidémie de coronavirus, de l’épidémie de panique. C’est aussi une épidémie, une épidémie de folie qui frappe le monde occidental, conséquence de la perte de ses repères moraux et spirituels.
Qu’est-ce que le sexe de l’homme ? C’est ce qui lui est donné par Dieu. Si l’homme cesse de croire en Dieu, il se met à croire en différents fantômes. Par exemple que l’homme peut avoir un sexe biologique et un sexe psychologique. Si quelqu’un, dans l’enfance, à l’adolescence ou à l’âge adulte croit appartenir au sexe opposé, c’est, de notre point de vue, une déviance psychique qui peut être éventuellement soignée par des psychologues. Or, en Occident, toute une génération de psychologues a grandi dans l’idée que dans ce cas-là c’est le sexe biologique qu’il faut corriger. Ces psychologues reçoivent beaucoup d’argent pour leurs consultations, ils sont de mèche avec une industrie très puissante et très lucrative, la chirurgie transgenre. Ces opérations sont désormais accessibles à la classe moyenne, même si elles restent très onéreuses. Il y a aujourd’hui toute une épidémie d’opérations de changement de sexe.
Il faut dire que beaucoup de ceux qui l’ont subie le regrettent ensuite, mais on n’en parle pas, parce que leurs révélations portent atteinte à cette industrie et l’idéologie qui la soutient. Cette idéologie n’est pas seulement athée, elle est anti-humaine, misanthrope. Dans une autre émission j’avais raconté comment se pratique cette opération. Je n’ai pas envie de me répéter, mais cette prétendue opération est, en fait, une mutilation de l’homme qui, finalement, ne change pas de sexe, mais s’en donne l’illusion. C’est pourquoi j’ai dit et je le répète : l’opération de changement de sexe est une fraude, dans laquelle on se trompe soi-même.
(...)
E.Gratcheva : Merci, Monseigneur, de cet entretien.
Le métropolite Hilarion : Merci, Ekaterina.
Dans la seconde partie de l’émission, le métropolite Hilarion a répondu aux questions posées par les auditeurs sur le site du programme « L’Église et le monde ».
(...)
Question : A l’école, on enseigne aux enfants la théorie de Darwin. Qu’est-ce qu’un orthodoxe doit penser de la théorie de Darwin ?
Le métropolite Hilarion : Il est dit dans le Symbole de foi : « Je crois en un seul Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, de toutes choses visibles et invisibles », c’est le dogme que doit confesser obligatoirement le chrétien. Si une théorie est contraire à ce dogme, nous ne pouvons l’accepter.
La théorie de Darwin ne contredit pas le fait que le monde ait un Créateur. Cette théorie ne s’inscrit pas dans la vision du monde donnée par les premières pages de la Bible, qui racontent la création du monde. En lisant ces premières pages, on voit que Dieu crée d’abord la matière, puis la lumière matérielle, ensuite la terre ; Il sépare ensuite la terre des eaux, puis crée les plantes et différentes espèces vivantes. Le texte ne laisse pas place à une quelconque évolution. Dieu créé chaque espèce à part : les animaux d’une part, les poissons de l’autre, les reptiles à leur tour, puis, enfin, l’homme. L’idée que l’homme puisse descendre du singe, que le singe et l’homme puissent avoir un ancêtre commun n’est pas compatible, effectivement, avec la façon dont le monde fut créé, à moins de donner un sens très élargi à ce récit.
Parmi les orthodoxes, il y en a qui rejettent totalement la théorie de Darwin, il y en a qui la rejettent partiellement, et il y a ceux qui l’acceptent. En général, nous rejetons l’idée de macroévolution, c’est-à-dire l’idée qu’une espèce puisse se transformer en une autre, pour faire court – que le singe puisse se faire homme. Mais nous ne rejetons pas l’idée de microévolution, c’est-à-dire d’une forme d’évolution à l’intérieur d’une espèce. En tous cas, nous ne sommes pas tenus de la nier.
La microévolution est un aspect de la théorie de Darwin qui est soutenu par des preuves sérieuses. Quant à la macroévolution, c’est un aspect qui n’a pas de base sérieuse ; tout ce qui vient à l’appui de la transformation possible d’une espèce en une autre n’est que spéculation non prouvée. La théorie de Darwin reste aujourd’hui encore une théorie, et, comme toute théorie, elle a ses faiblesses. Dans les aspects qui sont contraires à la révélation biblique, elle ne peut être acceptée par la conscience orthodoxe.
Question : J’ai été trahi par un ami de longue date. Il m’a fait tant de mal que je ne peux en parler sans pleurer. J’ai réussi à lui pardonner, mais je ne peux pas oublier. Comment surmonter une trahison ? La prière ne m’aide pas.
Le métropolite Hilarion : Je commencerais par rappeler que notre Seigneur Jésus Christ, durant Sa vie, a été trahi, et plus d’une fois. Il a été trahi par Son peuple, auquel Il n’avait fait aucun mal, auquel Il n’avait fait que du bien. Il a été trahi par un de Ses disciples les plus proches, cette trahison est rapportée par les quatre Évangiles. Le traître ne se distinguait en rien des autres, il n’avait manqué de rien. Ce qui a pu arriver à Jésus Christ peut d’autant plus arriver à tout homme.
Comme trouver la force de surmonter la peine de la trahison ? Il faut d’abord, bien sûr, trouver en soi la force de pardonner. Si vous n’avez pas vous-même assez de forces, il y a d’autres moyens, comme la confession et la communion. Venez à la confession, racontez au prêtre ce qui vous pèse, demandez-lui de prier pour vous. Si la prière ne vous aide pas, que le prêtre prie pour vous, que vos proches prient pour vous. Efforcez-vous de ne pas revoir cette personne, si vous pouvez l’éviter. S’il se retrouve sur votre chemin, efforcez-vous de ne pas penser à ce qu’il a fait. Vivez votre vie, souvenez-vous que le pardon est le garant de notre propre bien-être.
On commence le Grand carême en se demandant pardon les uns aux autres. Non seulement à ceux que nous avons offensé ou que nous avons trahis, mais à ceux qui nous ont offensés, qui nous ont trahi. C’est très important de trouver en soi la force de pardonner, car le Seigneur a répondu à la question de saint Pierre « Combien de fois pardonnerai-je à mon frère lorsqu’il péchera contre moi ? Sera-ce jusqu’à sept fois ? » : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois » (Mt 18,21-22), autrement dit un nombre incalculable de fois. Pardonnez autant de fois qu’on aura péché contre vous.
Terminons cette émission par ces mots de Jésus Christ, dans l’Évangile de Luc : « Absolvez, et vous serez absous» (Lc 6,37).