Le métropolite Hilarion : le Seigneur appelle chacun de nous à la compassion et à la miséricorde
Le 17 mai 2020, 5e dimanche de Pâques, dimanche de la Samaritaine, le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, a célébré la Divine liturgie à l’église Notre-Dame-Joie-de-tous-les-affligés.
Des prières ont été dites pendant la litanie instante pour demander à Dieu la fin de l’épidémie de coronavirus.
A la fin du service liturgique, le métropolite Hilarion a prononcé une homélie.
« Le Christ est ressuscité !
Bonne fête de Pâques à vous tous, chers frères et sœurs, car Pâques continue, et bon dimanche. Nous avons lu aujourd’hui le récit de la rencontre du Seigneur Jésus Christ avec la Samaritaine, tiré de l’Évangile selon saint Jean (Jn 4,5-42).
Les mœurs et les coutumes de l’époque voulaient que les Juifs ne communiquent pas avec les Samaritains pas, car on voyait en eux des gens impurs, coupables d’avoir porté atteinte à la pureté du sang et à la pureté de la foi.
A l’origine, les Juifs et les Samaritains faisaient partie du même peuple. Mais les Juifs observaient très strictement la coutume de ne pas prendre femme parmi les représentants d’autres peuples et d’autres tribus. Les Samaritains s’affranchirent de cette coutume et épousèrent des femmes d’autres peuples, d’autres tribus, et mêmes d’autres religions. C’est pourquoi, du point de vue des Juifs, ils avaient perdu la pureté du sang.
Par ailleurs, selon les Juifs, les Samaritains avaient perdu la pureté de la foi en modifiant la doctrine, et même en apportant quelques changements aux Saintes Écritures, à l’Ancien Testament. Les Samaritains n’adoraient pas Dieu au temple de Jérusalem, où affluaient les croyants de toute la Judée pour la Pâque et les autres grandes fêtes, mais sur le mont Garizim, où avait jadis été érigé un autre temple. Détruit depuis longtemps, son emplacement demeurait le lieu où les Samaritains sacrifiaient.
Jésus Christ, se rendant en Galilée, devait passer par la Samarie. Comme le dit l’évangéliste Jean, il était fatigué de la route. Le fils de Dieu s’arrêta pour se reposer auprès d’un puits, et envoya les disciples à la ville acheter de la nourriture. Alors que le Christ, las, était assis près du puits (et peut-être Jean resta-t-il auprès de Lui, ce qui lui permit d’écrire ensuite l’entretien dans tous ses détails, sinon, comment les aurait-on connus ?), une femme du village voisin vint puiser de l’eau.
Un étrange dialogue s’engage ensuite entre cette femme et Jésus Christ. L’Évangile de Jean contient plusieurs dialogues semblables, où deux personnes parlent de choses différentes, à des niveaux de compréhension toute à fait différents. La Samaritaine pose au Seigneur des questions ordinaires, mais Lui répond en parlant de choses spirituelles, si bien qu’au départ elle ne comprend rien. La femme ne comprend pas qui est l’Homme, assis près du puits et s’entretenant avec elle. De quoi parle-t-il ?
Le Christ commence par lui demander de l’eau, ce qui suscite son étonnement sincère. Elle demande : « Comment toi, qui es Juif, me demandes-tu à boire, à moi qui suis une femme samaritaine? – Les Juifs, en effet, n’ont pas de relations avec les Samaritains » (Jn 4, 9). Mais Jésus lui répond : « Si tu connaissais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : Donne-moi à boire! tu lui aurais toi-même demandé à boire, et il t’aurait donné de l’eau vive » (Jn 4, 10). Ne comprenant pas, la femme Lui demande : « Seigneur, tu n’as rien pour puiser, et le puits est profond; d’où aurais-tu donc cette eau vive? » (Jn 4,11).
La suite du dialogue est bâti de même, comme une suite de questions et de réponse. Le Seigneur parle à la femme de grandes vérités, mais elle n’y entend rien, et croit qu’il s’agit de choses simples. Peu à peu, cependant, la Samaritaine comprend qu’elle ne parle pas à un homme ordinaire, mais à un prophète, qui, de fait, connaît toute sa vie. Il sait qu’elle a eu cinq maris et qu’elle vit avec un sixième homme. Jésus lui dit ouvertement : « Celui que tu as maintenant n’est pas ton mari » (Jn 4,17).
La Samaritaine montre alors plus de confiance et L’interroge : « Nos pères ont adoré sur cette montagne; et vous dites, vous, que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem. » Jésus répond : « Mais l’heure vient, et elle est déjà venue, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité » (Jn 4,23).
Jésus Christ parlait souvent ainsi aux hommes : ils Lui parlent de choses terrestres, Il répond en parlant de choses célestes. Peut-être, s’adressant à Ses contemporains, auxquels Il parlait à un moment donné, le Christ voyait-Il en pensée l’avenir et tous ceux qui, de siècle en siècle, liraient le récit évangélique. A chacun d’eux, à chacun de nous, le Seigneur dit quelque chose.
Le Seigneur s’adresse à chacun ; et que chacun se demande aujourd’hui : qu’ai-je fait dans ma vie qui me vaille d’être aujourd’hui empêché d’aller à l’église, d’être excommunié, de ne pas participer à la liturgie, de prier avec mes amis et avec mes proches ?
Peut-être, par cette épreuve, le Seigneur rappelle-t-il à certains la fragilité de l’existence humaine, que la vie dépend de Dieu. Il veut leur dire : « Ne t’appuie pas sur tes propres forces, ne crois pas que tout ira bien sans Mon aide. Adresse-toi plus souvent à moi, invoque-Moi, et même s’il te semble que Je ne réponds pas, Je viendrai toujours à ton aide. »
A d’autres, le Seigneur peut vouloir dire : « Tu passes trop de temps et emploie trop de forces à consomner les biens terrestres, à ton travail, tu es trop passionné par ta profession. Tu as reporté toute ton attention sur le terrestre, oubliant l’éternel et le céleste. Arrête-toi, réfléchis à la qualité de ta vie, revois ton système de valeurs. »
Mais peut-être le Seigneur veut-il dire aussi : « Tu es trop indifférent envers tes proches, tu leur accordes peu de temps. Reste avec eux 24 heures sur 24 dans un espace restreint, apprends à les aimer, apprends la patience, aide-les, apporte-leur la joie. »
Le Seigneur appelle chacun à la compassion et à la miséricorde. Il dit : « Tu n’apprécies pas tes proches, tu crois qu’ils seront toujours avec toi. Mais regarde, leur vie est aujourd’hui en danger, en particulier celle des personnes âgées. Prends soin d’eux, pense à leur sécurité, veille à qu’ils ne prennent pas de risques. »
Écoutant ce que le Seigneur dit à travers ces circonstances difficiles, affligeantes et extraordinaires, on entendra certainement Sa réponse. Beaucoup de Samaritains ont cru au Christ avant de Le voir, d’après la parole de la femme Samaritaine. Nous faisons l’expérience vécue par les Samaritains lorsqu’ils écoutèrent le Sauveur : Ce n’est plus à cause de ce que tu as dit que nous croyons; car nous l’avons entendu nous-mêmes, et nous savons qu’il est vraiment le Sauveur du monde » (Jn 4,42).
Pendant des siècles, les Juifs et les Samaritains ont attendu le Messie, et Il est venu. Nous qui sommes Son peuple, Son troupeau, Ses disciples, Ses apôtres, nous n’attendons pas que quelqu’un vienne dans le futur : le Messie est déjà avec nous. Il est parmi nous, Il est en nous : nous le recevons par la communion. Nous entendons Sa voix dans le Saint Évangile. Nous Lui adressons nos prières et entendons Sa réponse, qui n’est peut-être pas toujours celle que nous attendions, mais le Seigneur ne laisse jamais aucune prière sans réponse.
C’est pourquoi il nous faut attendre patiemment de pouvoir nous rassembler à l’église (et j’espère que ce sera pour bientôt, cela semble aller dans ce sens), pour prier ensemble et communier aux Saints Mystères du Christ.
Prions pour ceux qui sont actuellement alités, malades. Nous avons prié aujourd’hui pour les prêtres et les laïcs malades (...) : l’archiprêtre Alexandre Chargounov... et son épouse Anna ; l’archiprêtre Dimitri Smirnov ; tant d’autres que nous avons commémoré aujourd’hui. Prions instamment pour eux, nos prières ne resteront pas sans effet.
Dimanche dernier, je vous ai demandé de prier pour le père Philarète, prêtre de notre paroisse, qui était alors dans un état vraiment critique... Dieu soit loué, grâce aux prières, il est rentré chez lui, convalescent. De même, l’archidiacre Vladimir Nazarkine, un des doyens du Département des relations ecclésiastiques extérieures, après douze jours en réanimation, a regagné sa chambre d’hôpital...
Je souhaite que tous ceux qui sont malades se remettent et reviennent à nous sains et saufs.
N’oublions pas ceux que le Seigneur a rappelés à Lui. Nul ne sait quand se terminera sa vie, mais nous croyons que Dieu appelera chacun au moment qui Lui plaira, lorsque nous serons prêts. Prions pour que nos frères et sœurs que Dieu a retiré de cette vie, soient au Royaume des Cieux. Que le Seigneur leur pardonne leurs transgressions volontaires et involontaires et leur fasse mémoire éternelle.
Bonne fête à vous tous, chers frères et sœurs. J’attends avec impatience le jour, prochain, je le crois, où vous pourrez venir à l’église, où nous serons de nouveau rassemblés autour d’un même calice.
Bonne santé à tous, prenez soin de vous et de vos proches.
Le Christ est ressuscité ! »