Le métropolite Hilarion : La Mère de Dieu intercède pour chacun de nous devant le Roi des Cieux
Le 14 octobre 2020, fête de l’Intercession de la Mère de Dieu, le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, a célébré la Divine liturgie à l’église Notre-Dame-Joie-de-tous-les-affligés, rue Bolchaïa Ordynka, à Moscou.
Des prières ont été dites pendant la litanie instante pour la fin de l’épidémie de coronavirus.
A la fin du service liturgique, le métropolite a prononcé une homélie :
« Au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit !
La Vierge se tient invisiblement dans l’église avec le chœur des saints, priant pour nous, les anges et les puissances se prosternent, les apôtres et les prophètes exultent de joie, car notre divine Mère intercède pour nous auprès de notre Dieu engendré avant les siècles.
Les paroles du kondakion de la fête de la Mère de Dieu développent le sens de l’évènement dont nous faisons mémoire aujourd’hui. Il a eu lieu il y a longtemps, il y a dix siècles, à Constantinople, capitale de l’Empire romain d’Orient. Cette ville est située sur les rives du Bosphore, elle est entourée d’eau sur trois côtés et n’est reliée à la terre que par le quatrième. Elle était ceinte de gigantesques remparts pour la protéger des constantes incursions des étrangers que les habitants, qui se disaient Romains, appelaient des barbares.
Les habitants de Constantinople disaient de leur ville qu’elle était la cité de la Mère de Dieu. Ils croyaient qu’elle protégeait leur ville des invasions étrangères. Défendue par ses hauts murs, la ville se renforçait encore par la prière à la Mère de Dieu.
Deux églises se dressaient sur deux des angles des remparts. Toutes deux consacrées à la Mère de Dieu. L’église des Blachernes, où était conservée sa sainte tunique, et l’église de Chalkoprateia, où l’on gardait sa ceinture. Toutes les semaines, une procession allait de l’une à l’autre. On en tirait les saintes reliques, et le peuple marchait le long des remparts, priant la Reine des Cieux. Si les barbares s’approchaient de la ville, ce qui arrivait souvent, le patriarche, les évêques, le clergé sortaient les reliques de la Mère de Dieu et faisaient le tour de la ville sur le haut des remparts. Ils comprenaient qu’elle ne pouvait être militairement défendue, malgré tous les efforts, sans l’aide de Dieu et la protection de la Mère de Dieu.
C’est à Constantinople qu’eut lieu l’évènement dont nous faisons mémoire aujourd’hui. La ville était, une fois de plus, assiégée par des hordes de barbares. Le patriarche, l’empereur et tout le peuple étaient en prièrent dans l’église des Blachernes. Un fol-en-Christ nommé André eut une vision. Il vit la Mère de Dieu étendant son omophore, c’est-à-dire le voile couvrant sa tête, sur la ville. André rapporta sa vision, et tous comprirent que la Mère de Dieu était en train de défendre leur cité.
De façon étonnante, l’Église grecque, si elle a conservé la mémoire de cet épisode, n’en a pas fait une grande fête. En Russie, au contraire, le récit de l’Intercession de la Mère de Dieu est parvenu très tôt. Saint André de Bogolioubovo bâtit une première église dédiée à cette fête, la fameuse église de l’Intercession sur la Nerl, qui existe encore aujourd’hui. On bâtit par la suite d’autres églises en l’honneur de l’Intercession de la Mère de Dieu dans de nombreuses villes de Russie, notamment à Moscou, avec l’église de l’Intercession sur la Place Rouge, plus communément appelée Saint-Basile-le-Bienheureux, en l’honneur d’un autre fol-en-Christ, russe cette fois.
La fête de l’Intercession a toujours été une solennité en Russie. Les Russes aiment l’image de la Mère de Dieu étendant son voile sur leur ville, car les Russes aussi considèrent leur pays comme l’apanage de la Mère de Dieu. En cas de danger (et nos villes ont souvent été en danger), nos ancêtres priaient et recouraient à l’Intercession de la Mère de Dieu.
L’aide de Dieu s’est souvent manifestée dans l’histoire de notre pays, par ses saintes icônes. Il n’y a nulle part autant d’icônes miraculeuses qu’en Russie. On en fête une presque chaque jour du calendrier : les images de Smolensk, de Kazan, de Vladimir, Joie-de-tous-les-affligés, Secours-de-ceux-qui-périssent et tant d’autres. La Mère de Dieu a manifesté d’une façon particulière sa clémence à la Russie. Chaque fois qu’elle a été envahie par des étrangers, ils ont été repoussés par l’aide et par l’Intercession de la Mère de Dieu. Comme dans l’Empire romain d’Orient, ou, comme l’appelent les historiens, l’Empire byzantin, la Mère de Dieu n’a cessé de faire des miracles en terre de Russie.
C’est pourquoi nous l’appelons « Invincible conductrice de nos armées ». Bien souvent, dans les canons et les acathistes, elle est qualifiée de mur imprenable. Aucun mur, même les plus sûrs et les plus hauts, ne peuvent défendre la ville si la Mère de Dieu ne les défend pas. Les habitants de Constantinople et ceux de la Sainte Russie le savaient.
J’attirerai votre attention sur autre chose encore. Quand le patriarche, l’empereur et le clergé de l’église des Blachernes priaient la Mère de Dieu, ils contemplaient la beauté de l’office liturgique de leurs yeux de chair, tandis que leurs yeux spirituels ressentaient, chacun à sa manière, la présence de la Mère de Dieu. André le fol-en-Christ la vit de ses yeux, tandis que ceux qui étaient près de lui en eurent la révélation autrement, par le cœur. Sans quoi, ils n’auraient pas prié toute la nuit à l’église et seraient rentrés chez eux.
Pendant la célébration de la Divine liturgie, on ressent que les anges adorent avec les pontifes, que les apôtres et les prophètes se réjouissent, qu’avec nous, sur terre, prient les puissances célestes, tandis que la Mère de Dieu intercède devant le trône de son Fils, le Roi des cieux, pour la terre, pour notre ville, notre famille, nos proches, chacun de nous. En la fête de l’Intercession, nous le ressentons particulièrement.
L’office que nous célébrons, y mettant tous nos efforts, notre prière, nos moyens matériels, a part à cette liturgie à laquelle participent les anges, les saints, la Mère de Dieu. C’est pourquoi en Russie, comme à Byzance, on n’a jamais épargné les moyens financiers quand il s’agit de construire une église. On décore les églises d’icônes, de dorures, de pierres précieuses. On n’épargne pas pour Dieu. Personne ne disait alors, comme aujourd’hui : à quoi bon ces dorures, pourquoi ce luxe.
Pour prendre une comparaison, mettons qu’un homme aime une jeune fille, qu’il veuille lui faire sa demande en mariage. Comment se présentera-t-il devant elle ? Il achètera une bague, des boucles d’oreille, des pierres précieuses. S’il vient la voir en disant : « Tu n’as pas besoin de boucles d’oreilles, pas besoin de belles choses, reste la souillon que tu es d’habitude », comment sera-t-il reçu ?
C’est ainsi que les fidèles expriment leur amour de l’Église : ils y portent ce qu’il y a de plus beau. Ils veulent une église belle, bien décorée. Même si autour régnaient la ruine, la pauvreté, comme c’est souvent arrivé dans l’histoire russe, les églises ont toujours été belles, et les gens venaient voir ces beautés terrestres à l’église et, par elles, avoir part à la beauté céleste.
Voilà pourquoi l’Église orthodoxe s’est toujours souciée de l’ornementation des églises, de la beauté des offices, qu’elle a toujours veillé à ce qu’ils se déroulent dans une atmosphère de piété, de dévotion, sans agitation.
Aujourd’hui, en la fête de l’Intercession de la Mère de Dieu, je tiens à remercier le clergé de notre église, les servants d’autel, les sous-diacres et, bien sûr, le Chœur synodal de Moscou. Aujourd’hui, nous fêtons aussi saint Roman le Mélode : c’est, peut-on dire, la fête des chantres d’église professionnels.
Je nous souhaite à tous de célébrer avec cœur, de mettre toutes les forces de notre âme dans la célébration de la liturgie, nous efforçant qu’elle ne se transforme pas en concert, comme cela arrive parfois lorsqu’elle est chantée par un très bon chœur professionnel. Célébrons toujours l’office avec le sentiment de la présence de la Mère de Dieu, des anges, des saints et des défunts.
Que la Mère de Dieu, en ces jours difficiles, quand beaucoup s’inquiètent de leur santé et de la santé de leurs proches, nous protège de tout fléau et, par son omophore, qu’elle nous défende de tout mal.
Bonne fête à tous. »