A Moscou, une conférence de presse sur les persécutions contre les chrétiens d’Afrique
Le 4 février 2022, « Russie aujourd’hui » organisait une conférence de presse, à laquelle ont participé en vidéoconférence le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, le métropolite Léonide de Klin, exarque patriarcal d’Afrique, et le hiéromoine Stéphane (Igoumnov), secrétaire du DREE chargé des relations interchrétiennes, chef du Groupe de travail interreligieux pour la défense des droits des fidèles contre la discrimination et la xénophobie, fonctionnant dans le cadre du Conseil présidentiel d’interaction avec les associations religieuses de Russie.
Un chrétien d’Afrique sur cinq fait l’objet de persécutions, a remarqué le métropolite Hilarion. Tous les ans, des milliers de chrétiens africains sont assassinés à cause de leur foi en Jésus Christ. « Selon l’Église orthodoxe russe, la lutte contre les persécutions religieuses doit devenir une priorité pour la communauté internationale. Depuis des années, l’Église soutient les chrétiens persécutés dans différentes régions du monde, notamment en Afrique » a constaté le président du DREE.
Le patriarche Cyrille, rappelle-t-il, a appelé maintes fois à ne pas passer sous silence « les problèmes des chrétiens des pays d’Afrique ».
Le métropolite Hilarion précise que le travail du Patriarcat de Moscou « consiste aussi bien à soutenir sur le plan informationnel les chrétiens persécutés, qu’à organiser une aide humanitaire ». C’est, notamment, le travail du Groupe interreligieux de défense des droits des chrétiens contre la discrimination et la xénophobie.
« Le Patriarcat de Moscou soutient les chrétiens persécutés d’Afrique en collaboration avec les Églises chrétiennes du continent, notamment avec les principales d’entre elles, c’est-à-dire l’Église copte et l’Église éthiopienne, a raconté le hiérarque. L’Église orthodoxe russe travaille avec elles dans le cadre de Commissions bilatérales de dialogue. Ainsi, en Éthiopie, le Patriarcat de Moscou soutient les chrétiens locaux, victimes des exactions des groupes terroristes et de la montée des conflits civils. En 2019-2020, le patriarche Cyrille de Moscou et de toutes les Russies est intervenu personnellement pour défendre les chrétiens, soumis à des attaques dans le centre et l’ouest de l’Ethiopie. « Sa voix a été entendue, les autorités du pays se sont occupées du problème » a constaté le président du DREE.
Mgr Hilarion a décrit la situation tragique de la population chrétienne de plusieurs pays d’Afrique, notamment la République démocratique du Congo, l’Ouganda, le Kénya, le Mozambique ; il a aussi évoqué les attaques des radicaux contre les villages chrétiens du Mali, les poursuites religieuses au Burkina Faso. Au Niger, où les chrétiens ne représentent pas plus d’1% de la population, leur situation est particulièrement alarmante.
La situation la plus difficile pour les chrétiens est celle de l’Afrique Subsaharienne, a constaté le métropolite. Le Nigéria est sans doute le pays le plus touché : en 2021, 79% de tous les assassinats de chrétiens en Afrique ont été commis au Nigéria. « Soit les autorités nigériennes ne connaissent pas la véritable ampleur des persécutions, soit elles la cachent» a souligné le président du DREE.
Les persécutions contre les chrétiens se poursuivent également en Somalie. Le métropolite Hilarion a aussi évoqué la situation extrêmement dure des chrétiens de Libye, où il ne reste pratiquement plus aucune église chrétienne en activité.
« Malheureusement, la liste des pays où des méfaits sont commis contre les chrétiens ne s’arrête pas là, a dit le président du DREE. Cette liste témoigne de l’ampleur du désastre. L’Église orthodoxe russe poursuivra ses efforts pour soutenir les chrétiens persécutés d’Afrique. »
Intervenant à son tour, le métropolite Léonide de Klin, exarque patriarcal d’Afrique, a parlé des priorités d’action de l’Église orthodoxe sur le continent africain.
Revenant sur la création d’un Exarchat patriarcal d’Afrique, Mgr Léonide a constaté que, depuis que le Synode a pris cette décision, « nous avons déjà pu envoyer sur le continent africain deux groupes missionnaires qui étudient soigneusement de nombreux pays, cherchant à mettre en évidence les violations des droits et des libertés des minorités chrétiennes ».
La protection de la population chrétienne du continent africain est une priorité pour l’Église russe, a déclaré l’archipasteur. « Si nous ne le faisons pas, nous n’aurons plus personne à qui parler : les chrétiens seront tous tués ou expulsés, et c’en sera fini du christianisme en Afrique. Or, le continent africain, c’est ni plus ni moins une population d’un milliard trois cent mille personnes » a dit le hiérarque.
En même temps, Mgr Léonide a constaté que la pastorale, l’aide humanitaire et sociale sont aussi des priorités de la mission de l’Église orthodoxe russe en Afrique.
« Actuellement, nous sommes contraints de défendre les prêtres et les enfants de prêtres qui sont poursuivis pour des motifs divers, parfois fantaisistes, a poursuivi l’archipasteur, parlant des communautés ayant décidé de rejoindre l’Exarchat patriarcal d’Afrique. Pour l’instant, grâce à Dieu, il n’y a pas de violences physiques. Néanmoins, leurs droits sont enfreints partout : ils sont chassés de leurs maisons, des églises qui appartiennent aux communautés africaines. Nous le notons aussi, fixons tous les cas et ferons notre rapport au patriarche et au Saint-Synode de l’Église orthodoxe russe, car cela ne doit pas être passé sous silence. »
Pendant la rencontre avec la presse, le hiéromoine Stéphane (Igoumnov) a aussi fait part des informations dont il dispose sur la situation de la population chrétienne dans différents pays du continent africain.
« Parlant des persécutions contre les chrétiens, notamment en Afrique, il faut souligner qu’il s’agit de cas concrets, et préciser de quoi nous parlons. L’Église orthodoxe russe reste attachée à cette règle , lorsqu’elle travaille à la défense des chrétiens ou lorsqu’elle poursuit son action humanitaire » a constaté le prêtre, précisant que les renseignements sur l’état des droits des chrétiens en Afrique proviennent d’organisation de défense des droits de l’homme, d’associations caritatives ou interchrétiennes, ou sont le résultat d’échanges directs avec les églises africaines. Les données tirées de sources publiques sont obligatoirement vérifiées.
Le père Stéphane a insisté sur la gravité de la situation au Nigéria. « Il faut crier sur tous les toits ce qui se passe dans ce pays » a-t-il souligné. Ces dernières années, les extrémistes attaquent systématiquement les chrétiens, et le nombre de chrétiens assassinés s’élève à plusieurs milliers par an. « Ils s’attaquent à des villages chrétiens entiers et éliminent tout le monde. Ils s’emparent d’un village, d’une petite ville, et ceux qui n’ont pas eu le temps de fuir sont tués, leurs maisons sont brulées, ainsi que leurs églises, leurs plantations, tous leurs biens. Les rapports ne tiennent pas compte de ceux qui meurent de faim à la suite de ces attaques, de ceux qui meurent dans des camps de réfugiés, il n’existe aucune statistique. Il y a un énorme travail à faire, notamment pour l’Église orthodoxe russe, en vue d’aider les chrétiens nigériens ». Les terroristes du groupe « Boko haram » n’hésitent pas à s’attaquer à des universités, à des écoles chrétiennes, à des orphelinats.
La République démocratique du Congo est un pays majoritairement chrétien, bien que le Nord-Est soit depuis deux ou trois ans la cible d’attaques de djihadistes, pratiquant l’éradication massive des chrétiens suivant les mêmes principes qu’au Nigéria, quoiqu’à une moindre ampleur.
En Ouganda, les extrémistes attaquent les pasteurs chrétiens, les enlèvent, les tuent la plupart du temps. On tue aussi d’ex-musulmans, convertis au christianisme.
Au Kénya, c’est le groupe « Ach-Chabab » qui s’attaquent aux chrétiens, depuis le territoire de la Somalie. A l’Est du pays, ils recourent à une tactique épouvantable, attaquant les cars reliant les villes du pays et tuant tous les passagers de confession chrétienne.
En Somalie, les chrétiens sont presque dans la même situation qu’en Libye : ils ont pratiquement disparu, et ceux qui restent se cachent. Le moindre signe d’appartenance au christianisme est immédiatement puni de mort.
Le problème s’étend, touchant de plus en plus de pays, précise le hiéromoine Stéphane (Igoumnov). Dans certains pays, les persécutions commencent par des attaques d’extrémistes contre les réunions de chrétiens, contre les processions des jours de fête. Les enfants sont aussi victimes des attaques et des enlèvements.
Or, la communauté internationale, dans l’ensemble, est muette sur les persécutions et sur l’éradication des chrétiens d’Afrique.
Les participants à la conférence de presse ont répondu aux questions des journalistes. Il a été question, notamment, de la coopération interchrétienne pour aider les chrétiens persécutés d’Afrique. Le métropolite Léonide a parlé des mesures prises pour organiser le fonctionnement des communautés africaines orthodoxes ayant rejoint l’Exarchat patriarcal d’Afrique.