Thèses pour la rencontre du métropolite HILARION de Volokolamsk, Président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, avec la délégation de l’Institut des Hautes études de défense nationale
Thèses pour la rencontre du métropolite HILARION de Volokolamsk, Président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, avec la délégation de l’Institut des Hautes études de défense nationale
(20 mars 2012, 15.30, DREE PM)
Mesdames et messieurs, Je suis heureux de vous accueillir au Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, situé sur le territoire du monastère Saint-Daniel, le premier monastère élevé sur le sol moscovite. J’espère que votre voyage de découverte vous permettra d’élargir vos connaissances sur la Russie, sur les traditions et les coutumes de notre pays. Quant à moi, j’aimerais vous parler de l’Église orthodoxe russe telle qu’elle se présente aujourd’hui, de son ministère et de son activité à l’échelle internationale.
Vie et mission de l’Église orthodoxe russe sur le territoire national
1) Aujourd’hui l’Église russe rassemble plus de 150 millions de fidèles dans plus de 60 pays du monde. Notre Église compte 16 métropoles et plus de 200 diocèses. L’Église orthodoxe russe joue un rôle important dans la vie de la société, non seulement en Russie, mais aussi en Ukraine, en Biélorussie, en Moldavie et dans d’autres pays de l’espace postsoviétique. Plus de 30000 paroisses et 805 monastères sont aujourd’hui en activité. L’Église orthodoxe russe est la plus importante des 15 Églises orthodoxes locales.
2) Remarquons que la foi orthodoxe est l’un des principaux fondements de la culture russe, l’Église russe ayant toujours fait un avec son peuple. L’histoire des relations entre l’Église et l’état dans notre pays est relativement complexe. Elle a connu des époques d’harmonie symphonique et d’hégémonie du pouvoir civil sur le pouvoir spirituel. Vous savez sans doute que la période la plus tragique de ces relations correspond à l’époque soviétique, qui a duré plus de soixante-dix ans. Les autorités soviétiques s’étaient donné pour objectif d’anéantir la religion, s’efforçant d’éradiquer la foi du sein de la société.
3) Beaucoup a changé depuis la chute du régime soviétique et l’abandon du monopole idéologique de l’athéisme. Aujourd’hui, notre Église est libre. Remplissant la mission que lui a confiée le Seigneur sur la terre, elle prend une part active à la vie de la société et à la vie des personnes concrètes.
4) L’instruction et l’éducation de la génération montante sont l’une des principales préoccupations de l’Église russe. Ces dernières années ont permis d’accumuler une certaine expérience, mais des difficultés subsistent néanmoins. Aujourd’hui, un certain nombre de régions de Russie ont tenté l’expérience de l’enseignement de la « Culture orthodoxe », dans le cadre d’une nouvelle matière du programme « Fondements des cultures religieuses et de l’éthique laïque ». Les élèves et leurs parents peuvent choisir entre six modules : cultures orthodoxe, musulmane, juive ou bouddhiste, fondements des cultures religieuses dans le monde ou éthique laïque. Dans certaines régions, cette matière fait partie du programme, dans d’autres elle reste facultative. Les « Fondements de la culture orthodoxe » entendent aider l’enfant à acquérir un comportement conforme à la morale grâce à des connaissances sur la riche tradition religieuse et la culture de son pays. Cette initiative, soulignons-le, a cependant suscité l’opposition des athées, des agnostiques et des humanistes, la nécessité de cet enseignement à l’école fait débat jusqu’à aujourd’hui.
5) En Russie, les orthodoxes (de même que les représentants d’autres religions traditionnelles) ont droit à un soutien spirituel, dans le cadre de leur service militaire, dans les hôpitaux et les centres de détention. Au sein du Ministère de la défense, une Direction des militaires croyants a été mise en place. Un immense travail de prise de conscience de l’importance de la spiritualité dans la vie des militaires, de son rôle dans le renforcement du potentiel moral et psychologique de l’armée a été accompli. Une loi entrée en vigueur en 2010 prévoit la titularisation de membres du clergé de notre Église, de même que de mullas et de rabbins, à l’intérieur des unités militaires en tant qu’assistants du commandant pour le travail avec les militaires croyants.
6) Notre Église est engagée dans la discussion et la recherche de solutions aux grands défis de notre société, menaçant sa santé morale, sa sécurité et son intégrité. Elle s’inquiète de la diffusion du sécularisme. Plus de 70% des citoyens russes se déclarent orthodoxes, les 30% restants appartenant à d’autres religions traditionnelles ou se définissant comme athées. Pourtant, il se trouve des gens pour s’efforcer de limiter l’importance de l’Église dans le quotidien de la population et dans le développement de la structure de l’état, sous prétexte d’égalité des religions. L’Église respecte le principe de laïcité de l’état, mais elle refuse toute interprétation allant dans le sens de la domination de l’idéologie séculariste, la religion étant évincée de la sphère publique.
Activité extérieure de l’Église orthodoxe russe
7) La mission de l’Église orthodoxe russe ne se limite pas aux frontières nationales, elle est également active sur la scène internationale. Ces dernières obligations sont confiées au département synodal dans lequel vous vous trouvez actuellement. Le Département des relations extérieures a été fondé par le Saint Synode de l’Église orthodoxe russe le 4 avril 1946. Le Président de ce département, de par sa fonction, est membre permanent du Saint Synode.
8) L’une des priorités du Département est la collaboration et l’échange fraternel avec les autres Églises orthodoxes locales. Ses autres domaines d’activité sont les relations avec les églises et communautés hétérodoxes, avec les organisations chrétiennes internationales, avec les institutions gouvernementales, politiques et civiles des pays étrangers, avec les organismes internationaux, ainsi que le dialogue inter-religieux et la coopération avec nos compatriotes résidant hors des frontières du territoire canonique du Patriarcat de Moscou.
Les Relations interorthodoxes
9) Nous maintenons des contacts avec chacune des Églises orthodoxes locales. L’objectif de cette coopération est de préserver l’union de l’Orthodoxie universelle, d’échanger dans un esprit fraternel sur les questions relatives à l’organisation de la vie de l’Église dans la diaspora, à la délimitation des frontières de la responsabilité pastorale des Églises, au mode et à l’ordre de l’octroi de l’autocéphalie. Afin de résoudre ces problèmes et d’autres questions d’actualité, les représentants des Églises orthodoxes locales se rencontrent régulièrement pour des consultations.
10) Nous préparons actuellement le Saint et grand Concile de l’Église orthodoxe. Une délégation de l’Église russe participe aux travaux de la Commission interorthodoxe préparatoire. Une réunion des Primats des Églises orthodoxes locales est prévue, au cours de laquelle seront discutés le règlement, les principes de représentation des Églises locales, l’ordre du jour du Concile panorthodoxe, l’actualisation des documents adoptés par les conférences panorthodoxes préconciliaires.
11) Nous travaillons à la création d’un Centre patriarcal de la tradition liturgique russe ancienne. Un séminaire scientifique et pratique permanent sera organisé sur la base de ce séminaire. Il sera dédié à la liturgie historique et aux problèmes des paroisses observant le rite ancien dans l’Église orthodoxe russe.
Les relations interchrétiennes
12) Le Départements des relations ecclésiastiques extérieures entretient activement des contacts avec l’Église catholique romaine, les églises et communautés protestantes, ainsi qu’avec les organisations chrétiennes internationales. Par l’intermédiaire de la Table ronde sur l’enseignement religieux et la Diaconie, le DREE collabore avec les organisations étrangères chrétiennes et laïques dans le domaine de l’enseignement et de l’aide humanitaire internationale. Le Département des relations extérieures est également en contact avec les médias russes et étrangers afin d’expliquer la position du Patriarcat de Moscou dans le domaine des relations interchrétiennes.
13) Dans le cadre du dialogue avec l’Église catholique romaine, le développement de contacts de travail avec les institutions du Saint Siège (diocèses, communautés religieuses et organisations de laïcs) se poursuit. Un bon exemple en est la coopération avec l’Église catholique de France qui a soutenu la création d’un séminaire orthodoxe dans la banlieue parisienne, lequel assure la formation des futurs ministres de l’Église.
14) L’Église orthodoxe russe participe aux travaux de la Commission mixte de dialogue théologique entre l’Église orthodoxe et l’Église catholique romaine, qui débat de l’une des questions les plus épineuses des relations entre orthodoxes et catholiques, celle du rôle de l’évêque de Rome. Cependant, nous sommes d’accord sur un certain nombre de questions de société. Nos Églises soutiennent des positions identiques sur la sécularisation, le libéralisme, la globalisation, l’éthique sociale et économique, la famille et la démographie. Des perspectives de collaboration à l’échelle des organisations internationales se dessinent.
15) Nous maintenons également le contact avec les dénominations protestantes. Le Département des relations ecclésiastiques extérieures supervise la participation de l’Église orthodoxe russe au dialogue théologique avec les hétérodoxes au niveau panorthodoxe. Dans le cadre de la Commission internationale pour le dialogue entre les Églises orthodoxes et la Communion anglicane, une réunion du groupe de travail pour la préparation d’un document commun sur les fondements théologiques de la doctrine sur l’homme aura lieu en juin 2012. En septembre aura lieu une session plénière du dialogue orthodoxe-anglican.
16) L’Église orthodoxe russe poursuit sa mission dans le cadre du Conseil œcuménique des Églises, y compris des organes de direction collégiale permanents, des comités, commissions et groupes de travail. En juin 2012, à Genève, les représentants de l’Église orthodoxe russe prendront part à la rencontre du CŒE avec l’Organisation des unions internationales chrétiennes, ainsi qu’à la réunion régulière du Comité de planification des Assemblée du CŒE qui se déroulera à Bossey (Suisse).
Contacts internationaux
Nous accordons une grande importance au développement de la coopération avec les structures gouvernementales et politiques des pays étrangers ainsi qu’avec leurs ambassades. Nous travaillons à renforcer l’autorité de l’Église orthodoxe russe sur la scène internationale, à assurer la présence de la dimension religieuse dans la discours international, à informer les états étrangers, les instituts politiques et les diplomates étrangers de la position du Patriarcat de Moscou sur les problèmes d’actualité. A cet effet, le Département des relations extérieures collabore avec le Ministère des Affaires étrangères russe grâce aux réunions régulières du Groupe de travail commun.
18) Nous accordons beaucoup d’importance à notre collaboration avec les pays dont le gouvernement partage l’inquiétude de l’Église russe devant la crise morale de la société, le relâchement des valeurs traditionnelles, le problème de l’injustice sociale. Notez que les États percevant le Patriarcat de Moscou comme un acteur digne et compétent du dialogue international sont de plus en plus nombreux.
19) Tenant compte du fait que des décisions intéressant les croyants sont de plus en plus souvent prises au niveau international, le Département des relations ecclésiastiques extérieures entretient un dialogue actif avec les organisations intergouvernementales. L’ONU, le Conseil de l’Europe, l’UNESCO et d’autres organisations s’expriment sur la liberté de l’homme, les relations familiales, le dialogue des civilisations, les problèmes de l’enseignement, de l’éducation, etc. Leur position est présentée comme l’expression de la volonté de tous les peuples ou de leur majorité. Cependant, dans les faits, l’opinion des croyants, tant orthodoxes que représentants d’autres religions traditionnelles est rarement reflétée ou prise en compte dans les documents de ces organisations. Nous avons donc là un vaste terrain de travail avec les structures internationales. Les efforts de l’Église portent du fruit. Ainsi, en 2009 et en 2011, le Conseil de l’ONU pour les droits de l’homme a adopté la résolution « Promotion des droits de l’homme et des libertés fondamentales par une meilleure compréhension des valeurs traditionnelles de l’humanité », qui souligne le rôle de la famille, de la communauté, de la société dans l’établissement et la transmission des valeurs de liberté, de dignité et de responsabilité. En 2010, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’ONU a confirmé dans sa résolution le droit des médecins à refuser la pratique de l’avortement pour raison de conscience. Ce ne sont que quelques exemples de documents pour lesquels les chrétiens et les représentants d’autres religions traditionnelles sont parvenus à défendre leur position.
20) Le Département des relations extérieures s’efforce de développer le travail avec nos compatriotes résidant à l’étranger. Pour l’Église russe, le terme « compatriotes » ne recouvre pas seulement les ressortissants russes, mais des représentants de tous les peuples dont notre Église a la responsabilité pastorale, ukrainiens, biélorusses, moldaves et autres. Nos compatriotes vivant à l’étranger ont besoin de maintenir un lien permanent avec leur patrie, de conserver leur identité culturelle et nationale et leur langue, de développer la communauté diasporale, ainsi que de s’intégrer à leur pays d’adoption. La tâche de l’Église russe est de soutenir nos frères et sœurs dans leur nouvel environnement.
Les persécutions des chrétiens dans le monde
21) L’un des problèmes les plus actuels au niveau international est la montée des persécutions contre les chrétiens dans les régions du Proche Orient, de l’Afrique, de l’Asie centrale et de l’Asie du Sud. Malheureusement, ces manifestations ne peuvent plus être interprétées comme des incidents isolés, dans la mesure où elles ont pris une acquis une dimension récurrente.
22) Le 30 mai 2011, le Synode de l’Église orthodoxe russe a publié une Déclaration en réponse à la montée des manifestations de christianophobie dans le monde. Il appelait « la communauté internationale à élaborer un mécanisme général et efficace de défense des chrétiens et des communautés chrétiennes ». Les 30 novembre et 1er décembre 2011, une conférence sur le thème « La liberté de confession : le problème de la discrimination et de la persécution des chrétiens dans le monde » s’est déroulée à Moscou.
Nous espérons que les efforts communs permettront de faire face à l’agression visant les populations chrétiennes de différents pays du monde.
Le dialogue interreligieux
23) Le Département des relations ecclésiastiques extérieures accorde une grande importance au dialogue interreligieux. Bien des défis de la modernité, relatifs au processus de la globalisation, à la montée de l’extrémisme et du terrorisme, à l’écologie exigent une réponse commune des peuples, à laquelle nous parviendrons entre autres par la collaboration des religions traditionnelles. Avec les leaders des communautés religieuses traditionnelles, nous témoignons de l’importance des dimensions spirituelle et morale dans la vie sociale, de la nécessité de la coexistence pacifique des peuples, de la nécessité de préserver la nature.
Engagement pour la paix
24) L’Église orthodoxe russe est activement impliquée dans les processus de paix, en premier lieu sur le territoire des républiques de l’ex-URSS, dont la plupart font partie de notre territoire canonique. Ses efforts s’expriment aussi bien par l’organisation d’une aide humanitaire là où le besoin s’en fait sentir, que par des médiations à l’échelle internationale.
Je vous remercie de votre attention et suis prêt à répondre à vos questions.