Le métropolite Hilarion : demandons au Seigneur la patience
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Le 9 mars 2011, mercredi de la première semaine du Grand carême, le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations extérieures du Patriarcat de Moscou, a célébré l’office des complies et du grand canon de saint André de Crète en l’église Notre-Dame-Joie-de-tous-les-affligés.
Après le canon, le métropolite Hilarion s’est adressé aux fidèles :
En ce début du Grand carême, nous nous rassemblons tous les soirs à l’église pour y entendre le canon pénitenciel de saint André de Crète. Nous réfléchissons ensemble aux vertus que l’Église nous apprend à demander à Dieu en ces jours : la chasteté, l’humilité, la patience et l’amour.
Ce soir, j’aimerais dire quelques mots de la patience. La patience, comme l’humilité, est l’une des vertus divines. Nous parlons de la longanimité de Dieu envers le genre humain, à la fois envers toute l’humanité et envers chacun de nous.
Chacun de nous a maintes fois encouru la colère de Dieu par ses actions, ses pensées, ses sentiments, son mode de vie. Si nos relations avec Dieu étaient régies par la loi de l’expiation, nos péchés nous auraient sûrement valu de sévères châtiments. Mais la loi de Dieu est une loi d’amour et de longanimité. Le Seigneur supporte nos péchés et nos faiblesses. Nous ne savons pas pourquoi. Les gens demandent parfois : « Pourquoi Dieu laisse-t-il faire le mal ? Pourquoi permet-il l’iniquité de certaines personnes sans les balayer de notre chemin ? »
Mais chacun peut se poser cette question à son sujet : pourquoi le Seigneur me supporte-t-il, bien que je pèche si souvent, bien que je sois incapable de me corriger et d’observer les commandements divins, bien que ma vie toute entière contredise ce qu’enseigne l’Évangile et ce que dit le Christ ? Le Seigneur est longanime et plein de miséricorde (Ps 144, 8). Il nous pardonne nos péchés, car il n’aspire pas à notre châtiment, mais à notre amendement. Dieu est indulgent envers nous, c’est pourquoi il nous donne sans cesse une nouvelle chance de s’engager sur la voie de la réparation. Et si nous vivons encore sur cette terre, c’est bien parce qu’il espère en notre repentir et en notre amendement. S’il n’avait pas cette espérance, le Seigneur aurait mis fin à notre vie terrestre.
La longanimité de Dieu est infinie. Elle est si grande que nous n’en mesurons pas toujours l’ampleur. Et chaque fois que nous nous demandons pourquoi le Seigneur permet un malheur, nous devons comprendre que le mal existe dans le monde en partie à cause de nous. Nous ne nous contentons pas d’observer le mal qui se fait autour, nous y participons plus ou moins et cela veut dire que tous (certains plus que d’autres), nous avons besoin de la clémence de Dieu et de sa miséricorde.
Le Seigneur est longanime et plein de miséricorde, mais il veut aussi que nous soyons patients les uns envers les autres, face aux circonstances de notre vie et envers lui.
Pourquoi être patient envers Dieu ? Nous ne recevons pas toujours ce que nous demandons à Dieu dans la prière. Et nous interrogeons parfois : « A quoi bon prier, puisque cela fait tant d’années que je demande cela à Dieu, et il ne me le donne pas ? Peut-être ne m’entend-il pas ? Peut-être ma prière ne lui agrée-t-elle pas ? » L’Écriture Sainte, cependant, abonde en exemples de patience finalement récompensée. Dans le grand canon pénitentiel, nous avons entendu mentionner Jacob, qui avait travaillé pour obtenir Rachel, la femme qu’il aimait. Il avait travaillé sept années, supportant la chaleur de l’été et le froid de l’hiver afin d’obtenir sa bien-aimée. Et lorsque vint le moment tant attendu, on lui donna une autre femme, sa sœur aînée (tels étaient les mœurs de l’époque). Et il dut travailler encore sept longues années afin de recevoir Rachel, puis six, afin d’obtenir son trousseau. Et toutes ces années, nous dit la Bible, lui semblèrent comme un seul jour, car il l’aimait tant qu’il était prêt à attendre (cf Gen 29, 18-28). Voilà un exemple frappant de patience. Et que dire du paralytique, qui resta 38 ans auprès de la piscine ? Il avait attendu et patienté toute sa vie. Et enfin il reçut la guérison qu’il n’espérait peut-être plus (Jn 5, 1-16).
Les exemples de patience sont nombreux. Lorsque nous avons un but dans la vie, nous ne cessons de le poursuivre, jusqu’à l’avoir atteint. Mais il faut aspirer au terme non seulement en franchissant les obstacles, mais encore en s’armant de patience. Sans patience, on ne saurait avancer sans se décourager.
Nous devons en premier lieu être patients envers nous-mêmes. Car chacun d’entre nous souffre de ses propres défauts, a parfois du mal à se supporter : nous aspirons à quelque chose de plus grand, mais n’y arrivons pas, nous voulons atteindre quelque chose, mais n’y parvenons pas. Nous comprenons à quel point nos forces sont limitées, nous nous plaignons et disons : « Pourquoi les autres y arrivent-ils et pas moi ? » Mais nous devons être patients et calmes. Chacun peut, s’il le désire, faire beaucoup de bien. Mais nous n’y arrivons pas toujours, et si nous y arrivons, ce n’est pas forcément de la façon escomptée. Et afin de ne pas entrer en conflit avec soi-même, l’homme doit posséder de grandes réserves de patience.
Nous avons aussi besoin de patience les uns envers les autres. Il est si difficile d’obtenir de quelqu’un qu’il fasse ce que nous attendions de lui, qu’il accède à nos demandes. Et combien de fois nous montrons-nous impatients et cruels envers lui... Nous manquons de patience, d’humilité, de sagesse et nous déversons notre indignation sur notre prochain. Un homme patient n’attendra jamais de quelqu’un plus que celui-ci peut donner, ne l’obligera pas à faire quelque chose plus vite qu’il ne peut le faire. L’homme patient attendra tranquillement et humblement. Et quand bien même il ne recevrait finalement rien, il garderait sa paix intérieure et son calme.
La patience est particulièrement importante dans la vie de famille. Car c’est du manque de patience (et aussi d’humilité) que naissent les disputes, les hostilités dans les familles. Et là où il y a hostilité, le malheur peut arriver. Nous devons supporter les défauts les uns des autres, comprendre qu’il est très difficile de refaire quelqu’un, voire impossible. Nous ne pouvons, si nous le voulons, que nous refaire nous-même, et encore, avec quelles difficultés ! Seul le Seigneur ou la personne elle-même pourront refaire notre prochain.
Gardons à l’esprit que tout le monde a ses défauts, qu’il faut appréhender avec patience et calme, sachant que nous aussi avons nos défauts et espérant que nos proches seront patients et indulgents envers eux.
La patience est également nécessaire dans les circonstances de la vie. Combien de fois attendons-nous à l’arrêt de bus un tramway qui n’en finit pas d’arriver. Et nous nous énervons, nous avons l’impression que nous sommes en retard, que nous n’aurons pas le temps de faire des choses importantes. Et pourtant, le temps que nous passons à attendre le tramway est loin d’être forcément perdu : il peut être consacré à la prière, à la lecture. Peut-être le Seigneur a-t-il retenu exprès le tramway afin de nous donner la possibilité de lire les prières du matin omises. Peut-être nous donne-t-il ces moments de repos si nécessaires, mais que nous ne nous accordons pas à nous-mêmes, pris dans le tourbillon des affaires ou à cause de notre incapacité à planifier notre temps.
Il faut être patient envers les maladies que le Seigneur nous envoie, envers les afflictions qui nous reviennent. Nous devons sans cesse nous souvenir de ce que le Seigneur lui-même a supporté les tortures les plus douloureuses et la mort sur la croix pour notre salut et l’imiter dans sa patience. Soyons patients les uns envers les autres, soyons patients envers les circonstances de la vie, demandons au Seigneur de nous donner la patience sans laquelle il serait si difficile de vivre sur cette terre et plus difficile encore d’atteindre le Royaume des cieux. Amen. »